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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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journalier 30 03 15 / Écoute le la

lundi 30 mars 2015, par C Jeanney


 Le son comme n’importe quel matériau, et pourquoi pas. Le prendre de la même manière qu’écrire ou peindre, du même geste. La texture des sons qui recouvre une surface. Sons à juxtaposer, à faire se confronter entre eux, sons dans leur chevauchement, lequel prend l’avantage, sons pesant contre la hanche d’autres sons, se poussant ou se laissant la place, sons graphiques à la suite, sons dessinés en fil à suivre, sons lourds d’empâtement, l’accent mis et sur quoi, sons surchargés, la couleur des sons qui se brouille et le blanc, une touche, une seconde de silence, ça pourrait faire comme un reflet posé, ce blanc.
 La force des sons "non productifs", brisant leurs liens avec l’utilitaire. Sons qui ne se lisent pas d’entrée, demande une écoute vacante et une acceptation de soi d’être entraîné, à contre-sens mais sans se démarquer du monde réel, ne cherchant pas à investir un lieu mythique, qui serait dépouillé, habitable – ce lieu n’existe pas, il y a des jets d’acide partout. Sons d’ici et maintenant, concrets et volontaires, qu’on peut tordre en manière de résistance.
 Écouter Ligeti hier parler du labyrinthe, le sien, et comme il y avance. Un couloir à la fois. Sa création d’une musique statique. Pas immobile. Sa volonté de ne pas revenir sur ses pas, ne pas poser ses mains deux fois sur le même mur. Sa conscience des ancêtres qui va l’avant, lui qui avance avec. Il y a d’autres options dit-il (ce n’est pas tout à fait le mot, "options", je vais réécouter, mais l’étonnement de cette réponse simple, non évasive, à une si grande question). Ses problèmes à résoudre en "scientifique" et comment il s’y prend. Sa hargne, colère, l’obscur au fond. Même caché, même muselé, même lissé de ses plis, ce noir. La hargne, la peur, l’humour le long des côtes du macabre, la mort qu’on veut faire taire, le sparadrap qu’on voudrait coller sur sa bouche et on n’y arrive pas. Et la polyphonie aussi. La mer, les rouleaux qui prennent part à cette musique longue, chant gigantesque. Statique, pas immobile. Les toiles d’araignées, effrayantes, captivantes, sa peur originelle. Le symbolique des toiles fragiles à explorer, qui va, se trace jusqu’au filet pour le pêcheur. Et cette question : à quoi ressemblent les nôtres, nos propres toiles, celles qu’on repousse sans cesser de fixer des yeux, vers lesquelles on retourne, hypnotisé ? Les miennes de sable, de sable forcément, l’attraction et la répulsion devant ce qui s’enfuit, qui s’échappe des doigts.
 Et puis l’homme au visage parchemin. L’homme au violon. Vieil homme à la peau comme un mur. La peau comme une fresque, comme une amphore sortie du sol. La peau comme un organe à vif ou trop de fois cicatrisé d’avoir trop de coutures, d’avoir été frotté contre le feu bien trop longtemps. Peau de cuir peau de braises. Peau de terre cultivée, peau résistante. La peau des pierres sur lui, la peau des temps démesurés. L’homme au violon te dit : Écoute le la – toi tu l’écoutes. Écoute, il dit. Dans le violon, le diable et la misère – tenter d’écrire comme parle cet homme-là.

(et)

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