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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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Elle voulait s’affranchir

vendredi 1er avril 2016, par C Jeanney


Elle voulait s’affranchir de la narration qu’elle jugeait impossible, quand le réel lui semblait tout aussi impossible.
Le cut-up était un moyen de taillader et de couper court, d’agir violemment sans violence, en s’infiltrant, en faisant taire brutalement le ronronnement soporifique.
C’était le coup de pied du noyé pour remonter à la surface, et il avait le couteau à la main.
C’était une lampe de poche braquée sur le dérisoire, l’inaperçu, le « sans-valeur » (comme on dit le « sans-dent » lorsque l’on est un nanti).
C’était mettre au sommet de la pile le piétiné et l’ignoré, juste rééquilibre face à la narration guimauve admirantesque des Grands Hommes, citations italiques, médailles majuscules, brillants faits d’armes, le cut-up brisait la hiérarchie. Il disait que le moindre, l’ordinaire méritait tout autant la parole que ce qui la prenait naturellement. C’était la toile de jute du sac, déchiquetée par trop d’usage, car les mots avaient trop servis, l’affiche déchirée du trop-plein de lectures, le cageot de légumes recyclé en chauffage ou en siège (les mots qui réchauffaient, ou ceux qui s’asseyaient dessus).
Le cut-up pouvait devenir une sonde, une carotte glaciaire, un thermomètre, un outil de mesure / démesure, avec des mots notés en temps réel au moment de leur réception, extraits d’article, revues, émissions de radio, bribes de conversations anonymes prises au vol, dialogues de films, spectacles, théâtre, gros titres et revues de presse, cut-up de films, de sons, d’images, le cut-up n’avait pas de limites,– une lumière clignotante contre un mur vitré, le mot confiance sur le panneau publicitaire allumé éteint allumé éteint allumé éteint – Je n’ai jamais reçu de courrier. Je reçois mon courrier à la mairie – travelling sur les manifestants, un homme encagoulé de blanc escalade un bouleau et accroche une banderole – photographies de nourriture jetée au sol, emballages écrasés et le nom des marques taché, froissé, illisible – l’année précédente il a fait voter par les grands planteurs, ses alliés objectifs, une constitution autonomiste – Non, il m’est impossible de causer littérature dans un bal ; mon esprit est trop occupé à autre chose – David Bowie découpe un poème et réassemble les vers en les réordonnant – les flashball tirent des balles en caoutchouc à 186 km/h. Quelques mètres ou un mauvais angle suffisent à entraîner un dommage irréversible – Me traiterait-on de diva si j’étais un mec ? – je veux peindre la lutte de l’artiste contre la nature, l’effort de la création dans l’œuvre d’art, effort de sang et de larmes pour donner sa chair, faire de la vie – j’utilise les sons soufflés, frottés. J’avais envie d’une réponse stéréophonique – Le champion a reconnu qu’il n’avait pas dormi la nuit qui a suivi la finale chaotique sur sa distance de cœur – Voici le fameux chant des oiseaux – Le cut-up était du chaos réorganisé, en un nouveau chaos non neutre. Un filtre qui laissait remonter à l’air libre sa somme d’idées têtues, facilités, appels à l’aides, ombres chinoises de fulgurances de vie et mort sous des couches de dire, le fluide du dire, un fleuve vivant, organisme liquide, rempli de dire ou asséché, en gués, en tourbillons, et le dessin des berges érodé, modifié – et puis soi, tout au bord.
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 vidéo-lecture et mise en images de [...] (sans nom) (2) ici
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