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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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la chasse au tilde #12

mercredi 30 mai 2018, par C Jeanney

C’est dans ton cerveau imprimé ("la suite au prochain numéro") cette question des valeurs. Mépriser le petit, l’anodin, le jetable, tu ne le fais pas exprès, c’est un réflexe. Tu voudrais refuser cela, avec autorité, mais il y a tant de gestes où tu ne le contrôles pas, ce cerveau, tant d’émotions que tu ne peux pas réprimer, même (et peut-être surtout) lorsqu’elles sont laides, mesquines. Ton cerveau raisonnable (raisonné), sous ton contrôle, voudrait donner du poids et une grande importance au petit, au sans grade, à ce qui n’en a pas, une question de justice. De plateaux de balance à rééquilibrer. Une question de lutte aussi, une question politique. Qu’est-ce qu’on offre, qu’est-ce qu’on donne, qu’est-ce qui n’a "pas de prix", et dans le don, ce croche-pied. Dans le jetable, le rien, l’assurance que ça ne serve pas, que ça ne se compromette pas en finalités financières ou en contrats juteux, car tu le sais que ce qui fructifie d’un côté est vorace, qu’il prend forcément là où il peut, en rapace, souvent à l’autre, à sa force besogneuse, à sa bonne volonté (principe des vases communicants). Tu as entendu parler de pratiques invisibles, de violences invisibles, ici, ailleurs, qu’il est impossible de voir sur pieds, là, dont on ne voit pas dans les rues, le long des bâtiments, au son des cloches, se dérouler le feutré, une violence qui ne poursuit aucun touriste armé d’une lame (par exemple, acheter une dette insolvable pour quelques centimes, puis attaquer au tribunal pour que cette dette soit remboursée plein pot). Le don ne tue personne, n’agresse personne. La dette fabrique des dos cassés, des mains cassées qu’elle lamine chaque matin un peu plus, silencieusement. Tu dois obliger ton cerveau à déconsidérer la puissance, le pouvoir, car si tu me laisses faire, ton cerveau reptilien admire les vautours. Aucun rapport avec cette gargouille tu penses, et pourtant, une ligne est tracée depuis la gargouille remplacée (moulée de frais, dont tu te détournes, car tu juges qu’elle n’a maintenant plus aucune valeur) à une façon de vivre, de préférer ce qui est collectivement admirable et admiré. Tu es triste d’utiliser sans le vouloir ton cerveau automatique (tu le visualises comme un gadget, prêt à l’emploi (à être consommé), imprimé de motifs sans desseins, une nappe plastifiée vendue au mètre en grande surface dont le rouleau n’est jamais vide, et ça te peine). Construire plus le long de côtes fragiles, écraser des poussins vivants, déverser sur le sol des matières corrosives, de l’acide chlorhydrique en solution, il y a toutes sortes de décisions puissantes, d’une puissance discrète, qui vont à pas de loups raboter les falaises (bonnes gens, dormez tranquilles, "dans la sérénité et le respect des valeurs humanistes" est-il ajouté).

la chasse au tilde #1
la chasse au tilde #2
la chasse au tilde #3
la chasse au tilde #4
la chasse au tilde #5
la chasse au tilde #6
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la chasse au tilde #10
la chasse au tilde #11

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Messages

  • un moyen : se sentir (à tort ou à raison) petit et faible, s’arroger le droit indu de te croire le semblable des méprisés… et donc redouter et fuir la force et les gagnants - bon y a un inconvénient = tu es désarmé et ne peux aider

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