Peut-être que chaque phrase devrait commencer par peut-être
Peut-être que l’écriture individuelle est un leurre
Peut-être que la substance même du langage, qui est par nature collective, fait que l’écriture fait partie des biens communs, comme l’air, traversé de tout ce qu’insuffle l’instant où il se respire
Peut-être que rien n’est singulier — dans le sens autonome
Peut-être que tout est poreux
Peut-être que tout se nourrit de tout, et qu’être un ou une n’a pas de sens
Peut-être que c’est ce genre de pensées qui fait tomber les prix, les hiérarchies, les classements pyramidaux, l’admiration, la révérence, allégeance, soumission, ce qui parasite l’essentiel et lui fait violence
Peut-être que le correcteur orthographique qui veut remplacer collective par colérique a raison, peut-être que la substance même du langage est par nature colérique
Peut-être que si toutes les phrases finissaient par un point d’interrogation nous irions mieux
Peut-être qu’on ne fait rien d’autre que détourner sans en avoir conscience
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Le peintre Asger Jorn dit
— et peut-être qu’il faudrait remplacer le mot toiles par le mot textes, et le mot peinture par le mot écriture —
"Collectionneurs, musées,
soyez modernes.
Si vous disposez de vieilles toiles,
ne soyez pas désespérés.
Gardez-les en mémoire,
mais détournez-les
pour qu’elles correspondent à votre époque.
Pourquoi rejeter l’ancien
si nous pouvons le moderniser
en quelques coups de pinceau ?
Cela jette un peu de contemporanéité
sur notre vieille culture.
Soyez au goût du jour
mais en même temps
avec distinction.
La peinture c’est fini.
Vous-même pouvez l’aider à finir.
Détournez.
Longue vie à la peinture."
(cité par Kenneth Glodsmith
dans L’écriture sans écriture)

Asger Jorn, Letter to my Son

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