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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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journalier 23 05 19 - bonshommes d’osier

jeudi 23 mai 2019, par C Jeanney


 ici ça ne manque pas de magasins qui mettent la clé sous la porte, on ne s’est rendu compte de rien, on est passé vingt fois cent fois sans voir les yeux derrière les vitres, toute cette attente, personne ne rentre ou quand quelqu’un arrive il repart nonchalant et n’a rien acheté, ou bien il s’est trompé, ou bien il cherche la route du syndicat d’initiative, l’attente ne faisait pas de bruit, beaucoup moins que la respiration des tourterelles, et puis un jour sans qu’on le sache mieux il y a eu de grandes décisions, un rendez-vous ou deux jusqu’au panneau ’pas de porte à vendre’ ou ’pas de porte à céder’, et là parce que c’est une grande pancarte rouge, ou chocolat à lettres jaunes géantes, on prend acte de cet abandon progressif, il s’est déroulé en silence, comme si on avait eu les yeux fermés
 ce pourrait être la même chose avec écrire, personne ne viendrait lire, on penserait à mettre la clé sous la porte un instant, on laisserait l’attente vivre sa vie d’attente, on prendrait rendez-vous avec quelques coléoptères, quelques bonshommes d’osier plantés dans les jardins publics et piétinés le jour d’après, quelques iris sauvages et des expositions fantômes
on chercherait de quoi nourrir la soif de remplir ce qui ne pourra pas être rempli
on écouterait agnès varda parler du pas de côté
pas de porte et pas de côté se rejoindraient
on conclurait que ce sont de mauvaises questions
 c’est la question de l’équilibre entre ce qui est donné et ce qui est reçu, une question de fatigue, une question de choix, une question de projection aussi, qu’est-ce que tu cherches à voir en regardant ce que tu regardes, quel miroir tu choisis
ce que tu donnes et ce que tu reçois, ça marche pour les gestes, les choses, ça marche pour le nerf ultime, la veine au centre
ça marche pour les échos que tu attends
une question de donnant donnant
ce qui te tient comme au milieu du corps, l’attention que tu portes comme on trimbale un sac avec ses minuscules grigris
et comment ça se répercute
ça marche pour les gens, ça marche pour les livres et pour écrire, cette équité
 on ouvre grand la fenêtre
il est possible que la mouche qui sonne sa trajectoire en tournoyant sur place, se cognant au plafond, s’oriente vers le dehors
si elle le fait, on prendra ça pour le signe de quelque chose
qu’elle continue de vibrer dans le rideau, et ce sera le signe d’autre chose
qu’elle nous encercle, prise d’une folie sinueuse, et ce sera un autre signe à observer
on croit qu’elle va fuser vers la sortie, elle tourne sur elle-même
avant de disparaître sortant juste au moment où une plume lentement
coule
il n’y a pas de vent aujourd’hui
je le vois très souvent, que les choses s’organisent toutes seules avec aisance

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

Messages

  • en fait ici cela donne, cela écrit, cela enchante et cela pense...
    Dans Avignon les anciennes rues commerçantes ont passé depuis longtemps le temps des écriteaux... puis des tags, puis des re-ouvertures fugitives avec des kebabs ou autres - moi aussi, reste mais pour les boutiques seulement à attendre jeunes pour faire revivre à partir de zéro

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