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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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Dérouler le fil de Marguerite Audoux

mardi 2 novembre 2021, par C Jeanney


Ce que j’aime avec Marguerite Audoux, c’est qu’elle est un raté de la machine, une anicroche, une anomalie. Il n’y a concrètement aucune raison pour qu’elle reçoive le Prix Femina. D’autant plus en 1910. Elle est pauvre, autodidacte, orpheline, une simple couturière. Paul Claudel n’a que mépris pour elle et sa soudaine célébrité (il faut lire la lettre remplie de fiel où il souhaite que retourne au ruisseau celle qui n’aurait jamais dû en sortir).
L’écriture de Marguerite Audoux s’exerce loin des dorures, elle qui n’est ni intellectuelle ni homme et connaît peu de monde. La machine réparera assez vite ce dysfonctionnement en la reléguant plus tard et encore de nos jours au « terroir », un peu comme les spécificités régionales d’un Nos régions ont du talent, chaque chose devant être à sa place et y rester sagement.
Ce que Marguerite Audoux raconte n’a rien de « régional ». Il est question de ce qu’il faut subir, orphelinats, fermes, ateliers. Mais ce n’est pas vindicatif. Tout est simplement exposé. Non, pas simplement. Délicatement. Avec élégance et fraîcheur.
Elle accepte ce qui vient, en note les détails, les graves, les lumineux. Elle n’est pas fataliste, ne tombe pas dans le pathos ou la facilité, et la voir résister comme cela, à sa façon tranquille et sans jamais baisser les yeux, donne des forces. Elle a continué à œuvrer jusqu’à ne plus pouvoir, même oubliée, même vieille, même aveugle.
Elle avait beaucoup d’ambition. Pas celle d’être célèbre ou de faire partie d’un cercle restreint / respectable, mais celle de rester attentive, toujours. Aux petits gestes, aux petits mots, aux petits riens qui font les grandes épopées.
Avec ce livre, prenant exemple sur elle, j’ai fait un peu de couture – « moi, je fais des corsages » disait-elle. Dérouler le fil de Marguerite Audoux est une sorte de patchwork, lettres, extraits, articles, selon une trame quasi chronologique, pour tenter de retracer un peu de ce parcours-là, humble, et somme toute vivifiant.

lire sous ce lien la (très belle et très complète) description de ce livre sur le site de la maison d’édition publie.net qui n’est pas subventionnée par bolloré lagardère etc. mais par de petits bras musclés et industrieux

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