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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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ana nb dans See the light (#vaseco de février 2011)

samedi 5 février 2011, par C Jeanney

See the light

Il prend l’enveloppe déchirée,sur la table,il dessine un trait,un autre trait qui part du sommet du premier et s’écarte,il ajoute un dernier trait qui relie les deux autres,il continue il transforme les traits en lettres. Il s’arrête. La lettre A étrangle sa voix Retirer retirer retirer quoi,il se demande. Ses doigts se replient à l’intérieur des paumes,il les lève à ses yeux,deux poings qu’il enfonce lentement sur les paupières,jusqu’à à l’apparition des premiers cercles bleus.

Tu disparais de l’angle de la maison. Tu ouvres la portière de la voiture,main droite posée sur,et main gauche jette le sac de plage sur le siège du passager.

Il se lève. Il entend l’aboiement du chien et,derrière la voix de la vieille femme adressée à l’autre vieille femme en face « malheur aux hommes qui naissent sous une mauvaise étoile »Et lui il poursuit dans sa tête leur rituel,« malheur à qui naît enclume au lieu d’être né marteau ».

Tu ne vas pas au pied de la montagne aujourd’hui. Tu n’as pas pris ton sac de livres. Tu viens de tourner à gauche,à l’angle de la rue. Tu roules maintenant sur l’avenue large qui conduit à la mer. Tu ignores le bleu du ciel. Tu t’arrêtes,devant toi passe une jeune fille cheveux courts dans la nuque,tu repars. Tu ignores les ombres claires sous la force de la lumière. Tu quittes l’avenue tu roules maintenant « sous un ciel vide et une route ».Tu veux écouter quelque chose,écouter comme boire très vite quelque chose qui fait rêver,quelque chose comme des voix sous l’eau. Tu te souviens,tu cherches dans ton truc l’album de Sparklehorse. Voilà c’est ça une voix entre.Tu écoutes maintenant « See the light ».

Il est debout dans la cuisine,il ne bouge pas,il reste longtemps bras soulevés mains contre la nuque. Brusquement il lâche les bras.

Tu tournes de nouveau à gauche,tu empruntes le pont qui conduit à la plage. Tu passes sur « Sunshine », tu mets « Pig ».

Il cherche quelque chose à faire dans une autre pièce,il empile les disques qui traînent,il met celui qu’il ne range pas,I can’t forget the ghost , can’t forget the ghost , I can’t forget the ghost of his smile,avec sa voix inaudible il reste accroupi ses bras enserrent ses genoux. Il quitte la pièce.

Tu montes le son la vitesse fait passer le ciel vide au ciel noir nourrit le chaos scande le souffle des voix scande la guitare saturée scande le violon renverse ta tête scarifie tes mains scarifie ta bouche scarifie ton nez scarifie tes yeux force la cambrure de ton buste écarte tes bras écarte tes doigts tend la pointe de tes pieds à l’extrême ,rend ton corps au ciel rouge.

Il reprend l’enveloppe déchirée sur la table. Il se penche. Il dessine un angle,l’angle de la table l’angle de la cuisine,puis l’angle de la maison,puis l’angle de la rue,puis l’angle de l’avenue,il ajoute à chaque angle un trait qui transforme l’angle en lettre. Retirer retirer quoi,il dit doucement. Il lève ses mains aux doigts refermés et les appuie sur ses paupières,il frotte de plus en plus fort,les cercles bleus réapparaissent .

Tu dérives lentement sous l’évidence de la lumière.

Il plie l’enveloppe déchirée en deux en deux en deux et en deux,une dernière fois.

Les mots« Sous un ciel vide et une route » sont de Christine Jeanney,ces mots sont devenus miens Plus qu’un emprunt , une reconnaissance. Tout comme « malheur aux hommes qui naissent sous une mauvaise étoile »,« malheur à qui naît enclume au lieu d’être né marteau », empruntés au livret de la « La vida breve »de Manuel de Falla et aussi « Pig », « Cruel Sun » , « Sunshine » « See the light » et « I can’t forget the ghost of his smile »empruntés à Mark Linkous de Sparklehorse.

ana nb

qui prend ma place comme je prends la sienne ce jour

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