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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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[à l’intime (et roumégations)]

le réel et/est

mardi 8 janvier 2013, par C Jeanney

entendu un extrait d’un texte de Bergson sur France Culture : il prend l’exemple d’une réunion à laquelle il doit assister, il en connait le lieu et les participants, aussi l’ordre du jour, et pourtant, malgré cela, le moment même où la réunion est vécue lui semble neuf, comme un tableau unique que l’on viendrait de peindre, d’une texture qu’il n’aurait pu imaginer.
Il faudrait s’émerveiller du réel, toujours.
On enchaîne les prévisions, les listes de travaux à faire, les rendez-vous, on anticipe ce qui se dira, se fera, on prépare le terrain pour qu’un moment se place, pièce de puzzle, dans des structures qu’on pense viables et contrôlables, et ça s’échappe, joli, cruel, inattendu.

Dans Le Portrait de Dorian Gray, Wilde enchaîne des pages de descriptions merveilleuses : il les remplit jusqu’au sommet de pierreries et de brocards, de statuettes, de bijoux, de rubis, d’escarboucles, de broderies d’argent et d’or, de pourpres somptueux et soyeux. La page est un coffre dans la caverne d’Ali Baba, plein à ras bord. Chaque joyaux raconte un roi qui passe ou une reine, un couronnement. Et il ajoute que, rien que de lire ces trésors, seulement les mots qui les décrivent, est merveilleux.
Rien que lire "le luxe des morts", précise-t-il.
Alors les pages s’effritent et les trésors partent en fumée. C’est le mot "morts" qui écrase tout ce qui s’accumule.
Il a pris des papiers dorés, à pleines brassées, les a froissés, et il les brûle, avec d’un mot.

Je ne sais pas conclure, penser au réel et ce qui reste, ou si le réel reste, lui.

Messages

  • le réel reste, ou notre relation à lui, et la preuve c’est que, malheureusement, ou parfois merveilleusement, il déçoit nos calculs et prévisions.
    du moins je crois - et quand ça marche c’est miraculeusement bien (bon quand ça loupe on a tendance à s’effondrer, faut pas)
    une Brigetoun enbrumée par un troisième endormissement

  • La relation au temps perd sa liberté en avançant en âge. De liberté elle devient urgence. Et les années deviennent des heures. Heures solitaires qui tombent la nuit des temps.

  • "Il n’y a que les esprits légers pour ne pas juger sur les apparences. Le vrai mystère du monde est le visible, et non l’invisible", clamait à la face du monde Wilde, dans le même (fabuleux) livre.
    Mais le Réel (j’aime le débuter par une majuscule, comme le père Lacan), c’est bien plus, sinon mieux que le visible - et le royaume des morts ne se tient pas toujours du côté de son contraire, mais jamais ennemi...

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