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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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[Oblique (textes /premier jet)]

« il faut » – même si commencer par

mardi 29 octobre 2013, par C Jeanney

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« il faut » – même si commencer par il faut ne semble pas sérieux et pontifiant, même si on a envie de fuir en entendant il faut – s’enrouler en volutes autour de l’oblique illico, il faut se déplacer sur cette tangente, en renonçant à affronter l’oblique de face, le front tourné ailleurs, et le sachant, que l’oblique prend beaucoup de place, de plus en plus / à peine sortis de la caverne que nos têtes se baissent et c’est déjà la nuit et comme disait quelqu’un hier faisant les comptes, bien plus de morts que de vivants, c’est l’oblique au travail et nous, dos et épaules dessous malgré les cuivres qui résonnent, symphony n°4 in d minor opus 120, malgré l’ajout d’air respirable, constatant que l’oblique reste, toujours vainqueur, oblique / c’est une barre de métal noircie, un lampadaire qui nie son socle et qui soulève le béton, qui refuse de montrer le ciel, une direction factice / une droite qui ne monte pas /c’est un escalier de Penrose, une soustraction à l’infini / une vitre, une plaque de plexiglas qu’on ne pourra pas dépasser, les mimes la prennent à la légère, ou font semblant – ou c’est nous qui faisons semblant – mais les murs transparents existent, les mains des mimes bien à plat gauche droite au-dessus et des murs apparaissent, boîtes alignées qui nous alertent, ensuite les mimes attendent nos réactions, prisonniers de leurs boîtes, nous rions, nous passons et nous jetons trois pièces, l’oblique pèse / il faut s’enrouler en volutes ; il faut n’est pas une décision ni un ordre, mais un constat, il faut, c’est obligatoire, l’oblique ne laisse pas le choix, la volute passe près d’une fontaine, sur la vieille place, adossée à un mur en demi-cercle qui lui fait un petit théâtre où l’eau serait la cantatrice, ce dimanche – car c’est sûrement dimanche, c’est même certain, il n’y a pas de peut-être – on a étalé sur son ventre un alignement de tableaux, cadres paysagers, avec des cyprès, des bosquets, le mont comme un mamelon, l’église San Bernardo, le visage penché de Saint Eleutère (si ce n’est lui c’est donc son frère), et tous les paysages et visages font comme une brocante d’horizons rétrécis et rangés à la suite, des bocaux alignés sur l’étagère d’un vendeur itinérant, apothicaire qui ferait les marchés, les bords des cadres des tableaux, bien larges bien hauts, ressemblent à des boîtes, un apothicaire qui ferait les marchés, qui viendrait aux abords des fontaines vendre des boîtes d’horizon et des yeux las de saints, on voit son dos, il s’affaire, il nettoie avec un chiffon, déplace, astique le visage d’Eleutère qui brille tout enrobé de peinture d’or, d’autres boîtes pareilles à lui attendent sous les tréteaux, des paysages et des visages de saints indénombrables sous les tréteaux, il y en aurait, il y en aurait, plus et tant qu’on ne pourrait compter, et aussi des boîtes invisibles ou qu’on devrait mimer pour en donner l’idée, Je veux aller à Porta Rossa sur l’air de Gianni Schicchi sifflote le vieux qui passe et sort sa pipe et la tapote sur sa main, l’index recourbé, pour la vider des peluches de tabac (ou il siffle un autre air, mais celui-là est à sa place) pendant que deux enfants se tiennent penchés sur le bassin de la fontaine ; ils y lancent des cailloux, une branche, un troisième pose sa tête, son menton contre le muret et il observe. C’est un petit garçon aux yeux plissés à cause de la lumière, trop de lumière ; parfois on plisse les yeux pour voir mieux dans l’obscurité ; parfois on plisse les yeux parce qu’il y a trop de choses à voir et qu’elles sont insolites, on anticipe quelque chose qui ressemble à l’oblique mais les volutes ne préviennent pas


[suivant / cette voix, la voix de ce quelqu’un]

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Messages

  • et il est nécessaire, indispensable, souvent merveilleux, pas toujours
    de plisser les yeux

  • (j’aime bien savoir que du côté du sud ouest de la ville, mon oncle cultivait la vigne dans les années soixante et que mon frère (si ce n’est moi, c’est sans doute lui) y passa des années, il vivait dans l’appartement du premier étage, une terrasse faisait face aux monts, et loin devant, nous tournant vers le sud, loin, on découvrait à peine Frosinone : le matin, tôt, lorsque se levait le soleil, nous avions à plisser les yeux, oui,et l’air de l’été, pur et frais venait des montagnes, nous rappelait peut-être (même s’il n’y en a pas) que nous étions vivants encore sur cette planète

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