TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

JOURNAL DE TRADUCTION DES VAGUES #WOOLF

journal de bord des Vagues -40 [Et quel torrent de mots]

mercredi 20 août 2014, par C Jeanney

.

.

(journal de bord de la traduction de The Waves de V Woolf)

.

.

.

.

’The boasting boys,’ said Louis, ‘have gone now in a vast team to play cricket. They have driven off in their great brake, singing in chorus. All their heads turn simultaneously at the corner by the laurel bushes. Now they are boasting. Larpent’s brother played football for Oxford ; Smith’s father made a century at Lords. Archie and Hugh ; Parker and Dalton ; Larpent and Smith ; then again Archie and Hugh ; Parker and Dalton ; Larpent and Smith — the names repeat themselves ; the names are the same always. They are the volunteers ; they are the cricketers ; they are the officers of the Natural History Society. They are always forming into fours and marching in troops with badges on their caps ; they salute simultaneously passing the figure of their general. How majestic is their order, how beautiful is their obedience ! If I could follow, if I could be with them, I would sacrifice all I know. But they also leave butterflies trembling with their wings pinched off ; they throw dirty pocket-handkerchiefs clotted with blood screwed up into corners. They make little boys sob in dark passages. They have big red ears that stand out under their caps. Yet that is what we wish to be, Neville and I. I watch them go with envy. Peeping from behind a curtain, I note the simultaneity of their movements with delight. If my legs were reinforced by theirs, how they would run ! If I had been with them and won matches and rowed in great races, and galloped all day, how I should thunder out songs at midnight ! In what a torrent the words would rush from my throat !’

.

« Les vantards, dit Louis, ont maintenant formé une grande équipe de cricket. Ils sont montés dans leur gros break en chantant tous en cœur. Ils tournent la tête tous en même temps dans le virage près des lauriers. Maintenant ils se rengorgent. Le frère de Larpent a joué au football à Oxford ; le père de Smith a fait une série de cent au cricket à Lords. Archie et Hugh ; Parker et Dalton ; Larpent et Smith ; Archie et Hugh encore ; Parker et Dalton ; Larpent et Smith – les noms se répètent, les noms se répètent sans arrêt. Ce sont eux les engagés volontaires ; eux les joueurs de cricket ; eux les membres de la Société d’histoire naturelle. Ils vont en rang par quatre, en bataillon, ils portent des insignes sur leurs casquettes. Ils saluent tous ensemble lorsqu’ils passent devant la silhouette de leur général. Quel ordre majestueux, quelle magnifique obéissance ! Pour pouvoir les suivre, pour leur ressembler, je sacrifierais tout ce que je sais. Mais ils laissent derrière eux des papillons tremblants aux ailes arrachées ; ils jettent dans les coins des mouchoirs sales, roulés en boule, tachés de sang. Ils font sangloter les petits dans les couloirs sombres. Ils ont de grandes oreilles rouges qui dépassent de leurs casquettes. Pourtant, nous voudrions être comme eux, Neville et moi. Je les regarde passer avec envie. L’œil furtif, derrière un rideau, j’enregistre la simultanéité de leur mouvement avec délice. Si mes jambes se renforçaient des leurs, comme elles courraient ! Si je partais avec eux, gagner des matchs, disputer des courses renommées et galoper toute la journée, avec quelle voix éclatante j’entonnerais des chants sur le coup de minuit ! Et quel torrent de mots jaillirait de ma gorge ! »

.

effet de tiraillement, de frustration dans ce paragraphe, Louis se trouve comme traversé de deux lames coupantes venues de directions opposées
"they are boasting", je me décide à utiliser "se rengorgent" après une multitude d’essais, qui modifiaient aussi le "boasting boys" du début, ils sont liés tous les deux, un équilibre à faire
je choisis d’écrire un "pour leur ressembler" à la place de "be with them", pour éviter d’ajouter un "eux" de plus, j’ai besoin de faire en sorte que le "derrière eux" soit seul, plus marqué, et la répétition du "eux" affadirait l’impact des brutes, ce qu’ils laissent dans leur sillage, papillons démembrés, saletés, sanglots d’enfants
dans une autre version j’avais forcé le trait dénonciateur-colérique de Louis, en mettant "Qui vont en rang par quatre, en bataillon, qui portent des insignes sur leurs casquettes. Qui saluent tous ensemble", mais finalement, la répétition du "ils", au lieu du "qui" qui martelait, ajoute à l’effet de violence, avec une énumération simple, sans force, Louis est victime et démuni face à ce groupe de muscles insensibles (et démuni aussi face à l’envie qui le traverse de part en part d’être avec eux)
(et au final, la répétition des "ils" dénonce autant qu’elle laisse sans voix, c’est tiraillement)
work in progress toujours

.

.

.

(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

Messages

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.