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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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propreté

vendredi 15 octobre 2021, par C Jeanney


En fait il existe plusieurs activités qui découlent de l’observation, comme regarder l’érable du Japon devenir rouge heure après heure en ce moment, comme une musique qui va crescendo, on croit que le point culminant du rouge est atteint mais la feuille en redonne encore et encore. On peut aussi examiner ces petites touches qui rendent la guerre propre, et ça n’est pas facile. Pendant qu’un hommage militaire est retransmis en direct (pourquoi ?) on peut observer la propreté de l’espace, les agencements symétriquement géométriques, les couleurs franches et non pas pastelles ou nuancées des drapeaux, les écrins soyeux des médailles, les silences immaculés autant que les costumes, ça n’a pas été simple d’aseptiser tout ça. Peu importe je voulais observer autre chose. J’ouvre un volume de mon Panorama de la guerre, un vieux volume, sur la page du supplément 105 bis (au hasard) et sur les yeux bleus d’un général parfaitement assortis au bleu léger de sa veste. C’est simple parce qu’il prend la pose. Pour les photos sur le terrain c’est moins facile. Il faut beaucoup de doigté pour donner aux ruines la propreté et la gravité qui les rendent acceptables, et les troupes sont souvent montrées pendant un temps de halte, au repos, bivouaquant autour de feux de camp. Certains ont presque l’attitude de touristes sur une plage, genoux croisés, tête de trois quarts tournée vers le large. J’entends parler du Pont d’Arcole et de Napoléon (j’ai laissé la télé allumée) et de Jeanne d’Arc, l’héroïne d’images pieuses. Il est important de s’inscrire dans cette généalogie dit la télé, qui ajoute Il y a tout un combat mémoriel.
C’est comme ce jeu où quelqu’un murmure une phrase à quelqu’un d’autre qui à son tour chuchote à quelqu’un d’autre et à la fin, au bout de plusieurs chuchotis, la phrase d’arrivée ne ressemble plus à la phrase de départ, tout en gardant la même longueur. Des mots ont été remplacés par d’autres, de longueurs équivalentes. Avec la guerre c’est pareil je suppose. La guerre vécue est chuchotée d’une oreille à l’autre, d’un œil à l’autre, passe par le tamis des yeux et des oreilles, il manque des morceaux saignants, des morceaux sales, mais pour rééquilibrer le poids et que la phrase de fin, la guerre de fin, contiennent autant de mots qu’au commencement, on place des bleus assortis et des légendes de bergères, on rééquilibre.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

Messages

  • en cherchant bien on peut trouver des dessins qui montrent l’horreur (souvent oeuvre de combattants)... au reste les cérémonies ayant comme témoin les familles, un peu d’ordre permettant à la peine de se bercer sans qu’une horreur supplémentaire s’invite n’est pas inutile.
    Je crois (faut dire que suis peut-être un rien déformée familialement)

  • oui, il a de beaux yeux tu sais (partout, toujours, cette espèce de sourire satisfait - et aux pieds le sang coagulé des vaincus)

  • Les yeux "bleus horizon" de Pétain étaient du même tonneau (des Danaïdes ou des Dardanelles).
    Notre bien-aimé Président Macron, même s’il n’a pas fait son service militaire, a souhaité inconsciemment s’inscrire dans la lignée des chefs de guerre (Mali, Covid-19...).
    Nous avons donc toute confiance dans le conducteur actuel (bien propre sur lui, au demeurant) du char de l’État.

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