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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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Louise_Imagine dans La ville et le balcon (#vaseco d’avril 2012)

vendredi 6 avril 2012, par C Jeanney

Ce jour échange entre tentatives et le site de Louise Imagine, auteure de L’Instant T(un instant à parcourir et re-parcourir, vraiment).

Nous nous sommes envoyé chacune deux photos / points de départ des textes. Ci-dessous, mes photos accompagnées des textes de Louise, et sur son site, ses photos et mon texte. Il n’y a que les vases communicants pour permettre de telles rencontres, enrichissantes et toujours singulières.


La ville et le balcon

C’est ainsi que la ville se déploie, sombre à vomir, tu le sais. Bois mort, dressé au dessus de nos têtes, poings tendus rageurs vers un ciel qui n’écoute jamais. Bleu impitoyable, écœurant et mouvant, trop brillant. Cette sale luminosité où nous aimions projeter nos pauvres rêves stupidement ciselés derrière le voile de nos paupières, cette sale luminosité écrasant courbes et subtilités, tout espoir balayé. Ne reste que ce goût, amer, dans la bouche…

Ne plus penser. Rayer de la carte cette ville, cette rue, cette maison et tout ce qu’il y a dedans.

Oublier.

Ombres du balcon où nous jouions enfants. Crépi dentelé où nous laissions glisser nos doigts en courant l’un derrière l’autre. Il y avait le jardin, aussi, à l’arrière de la maison. Herbes trop hautes et pâquerettes parsemées, haies de lauriers roses et petits sentiers creusés par les chiens dans une végétation laissée à l’abandon. Un peu plus loin encore, tout au fond, se trouvait le muret en pierre tant de fois escaladé en cachette, nuit tombée. Nous grimpions sur le toit de la bâtisse voisine, retenant notre souffle, ne pas glisser sur les tuiles fragiles, grimper jusqu’en haut, au plus près de la voûte céleste et de son majestueux scintillement. Cœurs battant à la chamade, nous nous installions le plus confortablement qu’il nous était possible, allongés, pieds calés contre la gouttière. Tu sortais alors la cigarette volée à ton père, la faisais rouler précautionneusement entre tes phalanges, avec une lenteur suave et gourmande. Je ne pouvais quitter des yeux le mouvement de tes doigts fins sur le cylindre blanc, hypnotisée, attendant que tu cherches enfin dans l’une de tes poches le briquet. Alors que tu tirais avec jubilation sur la cigarette, la flamme consumait le tabac en un crépitement feutré, et plus que l’odeur même qui s’élevait voluptueuse et nous enveloppait, c’était ce crépitement là que j’attendais, gorge sèche. Sans mot dire, yeux nimbés par la blancheur stellaire, pensées perdues au plus profond de nous-mêmes, nous laissions ensemble la nuit nous envelopper.

Louise Imagine

qui prends ma place comme je prends la sienne ce jour

Les autres participants à ce vase communicant du mois sont visibles et visitables depuis ICI, grâce à Brigitte Célérier.”

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