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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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[à l’intime (et roumégations)]

#tentative de dire le mobile et le point unique

mercredi 20 mars 2013, par C Jeanney

jusqu’à il y a peu, je nous voyais, tous (et moi inclue) comme des mille-feuilles, tous résultats de notre histoire, de nos expériences

les traces du passé nous auraient construits, peu à peu, auraient fait de nous qui nous sommes, au présent
influenceraient nos réponses, nos décisions et nos prises de paroles,
notre façon d’envisager, de dévisager le présent, d’y prendre part,
selon notre chronologie particulière, notre passé vécu

cette chronologie, je la pensais facile, chaque évènement ajouté simplement au précédant,
des strates ordonnées, façonnées par le temps,
nous serions ainsi comme des carottes glaciaires (je le pensais)

mais cette carotte, ou ce mille-feuilles que nous sommes, bouge

si je me couche le soir en repensant à un souvenir
en croyant le nommer, le décrire, en délimiter la surface, en saisir les détails
le soir suivant, ce même souvenir peut différer, même légèrement, même très peu,
plus doux légèrement, ou plus poignant, légèrement plus triste ou plus joyeux, plus léger ou plus grave de manière impalpable

ce souvenir devient présent
un présent permanent revisité,
un présent modifié (même de façon imperceptible)
un souvenir non pas réinventé ou mensonger, mais retrouvé par qui on est au moment où on le regarde

la carotte glaciaire (que je pensais que nous étions) (ou le mille-feuilles) pourrait ainsi se déformer

et selon nos fluctuations (la vie), se bousculent les strates de souvenirs,
et le désordre dérange la chronologie,

lorsqu’un fait nous a modifié plus qu’un autre, il prendrait plus de place, un soir, juste au moment de s’endormir, et moins de place le lendemain,
(et les faits collectifs pourraient nous déformer chacun différemment)

nous serions comme ces cartes en anamorphose,
en perpétuelle évolution, selon les critères choisis et les années, les jours, et les minutes aussi

une carte malléable
comme le cerveau, avec sa plasticité incroyable,

le présent serait résultat passager de cette déformation,
une déformation fructueuse,
qui habillerait notre squelette interne, qui nous sommes

nous ferions des allers-retours, sans cesse, et même inconsciemment, entre ce qui nous a construit, notre squelette, ce qui se voit, et la carte en anamorphose de qui nous sommes à cette minute, et notre participation au monde

et le passé se nommerait ainsi "passé" sans l’être

puisque chaque trace, chaque marque, ride d’expérience,
grossirait ou s’amenuiserait selon que les autres s’estomperaient ou demanderaient plus d’attention, le passé serait à tout jamais présent, et le présent toujours agile

(c’est peut-être pourquoi nos morts nous parlent encore, infiniment présents)

ce qui reste n’est pas immobile

.

"Tout se ramasse en un point unique [...]"
"Tous les écrits n’ont peut-être jamais cessé de tenter de capter l’insaisissable"
Georges-Arthur Goldschmidt

Messages

  • nous ne sommes pas strates mais pelote, en évolution lente, en fusion

  • Il y a une histoire qui dit que la nuit, nous sommes au repos tandis que ça travaille là-haut et que ça range, c’est là à jeter les trucs inutiles, à reposer les utiles quelque part, en attendant de les ranger là il faudra bien qu’ils le soient pour pouvoir voir et regarder d’autres trucs rangés là, par inadvertance, ou par hasard, justement par hasard qui n’existe pas ; le lendemain matin (non, pas "j’ai pris la micheline" : ça, c’est une chanson), on se réveille après avoir dormi dessus et il fait plutôt doux (le café est bon et la lumière floue) ;
    il y a une autre histoire qui raconte que les souvenirs nous reviennent à des moments (comme dit ab " à mes moments perdus, jme fais du souci pour le prince, jme fais du mouron pour le maton") où on ne les attend pas pour nous indiquer des chemins à suivre (des fausses routes, ou alors des lapsus, ou alors des réminiscences de chansons qu’on aurait aimées, ou qui seraient le fond sonore d’événements importants pour nous) ; c’est peut-être un mille-feuilles, mais je ne crois pas ("c’est pas du gâteau" c’est une jolie chansons de Mano Solo) ;
    et enfin, il y a une troisième histoire (bon, le 3 d’ici, ça compte pas, il y en a des milliers, des histoires comme ça, mais ce soir, c’est comme ça) (moi c’est ma préférée celle-là, même si elle n’a qu’un rapport lointain avec le point mobile et celui unique) (mais quand même) (je fais durer le suspense) (les parenthèses servent à ça, de temps à autres) qui dit, la 3° histoire histoire (même si 3 etc.) (et le reste) , que à chacune des photographies qu’on prend, on ôte à ce qu’on a pris en photo une pellicule de son âme et que c’est pourquoi certaines photos parviennent à vous parler à vous, personnellement (à vous faire vous souvenir de cette époque-là, ce moment, cette émotion et cette personne, là, que vous aimiez) ; tu remarqueras que le point est quand même (mobile ou unique) quelque chose qui nous importe souvent dans la photo (ce que j’en dis, c’est juste pour pointer quelque chose de précis) (ou de flou) ;
    Jm’arrête, mais la troisième a quelque chose à voir avec les saugrennettes de ces temps-ci.
    Je crois. Comme tentative, ça se pose un petit peu là.

  • Cartographie du souvenir/cartographie du monde, quel lien ! On imagine la superposition des cartes, une géographie qui fusionne les couleurs et donne forcément du gris, une multiplication de lignes où l’on reconnait, dans un inextricable fouillis de traits les contours déformés des pays qui viennent manger les océans, et la mémoire, du bleu, forcément bleue la mémoire (parfois dissoute dans le blanc). Fusionner les calques, mais peut être aussi introduire les reliefs (y compris les abysses)

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