W5 . 15 * plumes
lundi 14 août 2023, par
-* [protocole (5 textes 5 images tous les 5 jours)]
Un. Dans le dernier W5, j’écris "J’ai commencé une collection : photographier les plumes tombées (et où elles tombent)." et je continue. Ma grande découverte, c’est que les plumes sont partout, simplement elles sont jugées irrelevant comme on dit dans les séries américaines où une scène sur trois se passe dans un tribunal.
Si j’examine ce fait (les plumes sont partout), ce fait prouvé par l’image et la perception, je peux examiner son contraire : les anti-plumes, qui elles aussi sont partout. Mais le terme "anti-plumes" n’est pas assez descriptif ni clair, bien qu’il soit clair dans mon esprit et soumis à des tas de descriptions variées. PCH (ici lien vers ses carnets de PENDANT LE WEEK-END) m’envoie une plume. Je la récupère. Je la tiens bien. Je la garde.
Il y a cette histoire de Dumbo — qui a peur de voler, sa mère lui donne une plume qu’elle décrit comme magique, et parce que Dumbo croit que la plume est magique et lui permettra de voler, Dumbo vole. C’est sûrement pertinent dans mon cas, pour ce que je veux faire.
Ci-dessous la plume de PCH (ici lien vers ce qu’il écrit dans la maison[s]témoin).
UnDeux. Les plumes sont partout. Les plumes tombées tombent partout. Je peux rester plusieurs heures/jours sans en voir aucune, et puis, brutalement, j’en vois six ou sept à la suite. Le truc, c’est que ces six ou sept à la suite ne proviennent pas du même oiseau. Les oiseaux sont sociaux. Leur réunions se voient aux restes de repas sur la table du banquet de la réunion des anciens élèves, Qu’est-ce que tu deviens ? Oh, le temps a passé, maintenant je ..., dit l’oiseau qui perd une plume. Il y a des réunions nocturnes extrêmement discrètes, on n’en trouve que les miettes. Il y a des animaux inconnus dont on suppose qu’ils existent par des traces difficilement identifiables. Il y a des corps perdus en mer sans pierre tombale. Je suppose que ce serait très facile de dire que nous sommes toutes tous des plumes, mais est-ce que je dois refuser la facilité sous prétexte d’un jugement potentiellement méprisant ? En ce moment, le thème de la liberté me nargue. Je le cherche, comme quand on a ses lunettes sur le front et qu’on ouvre tous les tiroirs, qu’on déplace les papiers et les coussins pour les trouver. Dans ma fiction, je ne suis pas libre. Dans ma fiction, je n’ai pas de plume magique. Celle-ci est en lévitation apparente : en fait, prise dans une toile d’araignée, et à cet endroit, dans cet angle, dehors, il n’y a pas de vent.
UnDeuxTrois. Je suis curatrice d’une exposition de plumes tombées. "CURATRICE" est le bon mot (j’ai décidé d’écrire tous les bons mots en majuscules). Du latin curator, de curare (« « soigner », « prendre soin de » »). Dans l’Antiquité, le curateur est chargé de veiller sur les édifices sacrés, les constructions et les lieux publics, la voirie, le cours du Tibre. Le cours du Tibre a bien changé. J’en cherche les sinuosités nouvelles, entre les coussins et les tiroirs, comme mes lunettes.
UnDeuxTroisQuatre. Vocabulaire apparenté par le sens / dérivés : curateur à la mémoire, curateur au ventre. Si ça, ça n’est pas clair, alors rien ne l’est.
UnDeuxTroisQuatreCinq. CURATRICE = curer : Débarrasser quelque chose de creux de la vase, des immondices, des ordures.
Curer un fossé, les fossés.
Curer un canal, un port.
Curer un étang.
Curer un puits.
Curer un égout.
Curer la charrue, la nettoyer, ôter la terre qui s’y est attachée.
Curer une vigne en pied, ôter du cep des vignes tout le bois inutile. Le problème, c’est peut-être ce jugement méprisant qui suit son cours en décrétant que la terre et le bois sont synonymes d’immondices et d’ordures, inutiles. Curer suppose de hiérarchiser, ce verbe écrasant posé sur mes lunettes et la liberté. Dans les séries américaines où une scène sur trois se passe dans un tribunal, la matière première est la menace. Si j’arrive à regarder la menace dans les yeux, très clairement, je peux la qualifier d’anti-plumes. C’est à ma charge (CHARGE).