TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

PLACARD DE L’ATELIER

W5 (5textes5images5jours)

W5 . 18 * opérations

mardi 29 août 2023, par c jeanney

-* [protocole (5 textes 5 images tous les 5 jours)]

Un. L’orage, c’est de la légèreté en colère. C’est complètement inattendu pour nous, humains, parce que ça suit sa propre logique d’orage, courants chauds, courants froids, frottements d’airs comme des silex, c’est totalement inattendu mais complètement normal, logique, inattendu pour nous, humains, mais peut-être pas pour l’animal qui comprend ce qui est en train de frotter et rire, d’un rire éclaboussant et sec, là-haut, au-dessus de lui.
UnDeux. Je ne sais pas où sont les oiseaux pendant l’orage. Je ne sais pas si les oiseaux attendent la fin de l’orage. Je ne sais pas si les oiseaux pensent qu’il est plus sage d’attendre la fin de l’orage. Est-ce que les oiseaux patientent. Est-ce qu’un oiseau sait patienter. Est-ce qu’il se dit : ça va passer ?
Est-ce que mentalement il se parle ? Est-ce qu’il se dit hoho c’est dangereux ici. Et est-ce qu’il en parle ? Est-ce qu’il (par frottements, gestes, attitudes, stridences, postures et sons) s’adresse aux autres, autres oiseaux ? Est-ce qu’il dit : tu vas voir, ça va s’éteindre, bientôt ce sera passé, ne crains rien. Est-ce qu’il dit : tu as vu ça ? cet éclair-là était terrible. Et quand c’est fini, quand l’orage est parti plus loin, est-ce qu’il sort, est-ce qu’il vole avec soulagement ? avec une joie toute neuve ? avec une faim toute neuve ? Est-ce qu’on a la moindre idée de ce qui se passe autour de nous, en même temps que nous, au même moment pour eux et pour nous, est-ce qu’on a la moindre idée du simultané qui agit ?
UnDeuxTrois. Les plumes d’oiseaux légendaires sont prises dans la terre cuite. L’un peu bloquer le soleil par la taille de ses ailes (le ziz). Un autre fait bouclier, puis, frappé à mort, avant de mourir, assure sa mission (jatayu). Un autre, le fils d’un cormoran et d’une aigle, tient une branche de genêt dans son bec statufié (le liver bird). Le hamsa, tantôt cygne, tantôt oie, porte sur son dos la pureté, le détachement, le souffle. Je me demande quelle est la légende du moineau, s’il y en a une. Elle existe : c’est celle de Bidori, le moineau à la langue coupée. Nous devrions faire attention. Si nous coupons la langue du moineau, si nous le réduisons au silence – et c’est en train de se faire, certains arbres sont plus silencieux que n’importe quoi sur terre –, nous serons soumis aux démons, fantômes et serpents qui nous dévorerons après nous avoir infligé maintes souffrances.
UnDeuxTroisQuatre. Le bébé moineau, à un certain point de sa croissance, ne se différencie pas des adultes par sa taille, on pourrait les confondre, mais par son cri, et par ses ailes qu’il soulève et fait vibrer, frétiller, pour demander de la nourriture. On dirait qu’il hausse les épaules. C’est frénétique. Il change de place pour rester dans le champ visuel de ses parents qu’il suit continuellement, en petit harceleur têtu. Et je serai incapable de voir à quel moment il cessera de quémander, vibrer et frétiller, car il ressemblera tellement aux autres, ce sera peine perdue. C’est comme la pluie. Un autre jour, sur la plage, à l’endroit où j’étais il pleuvait, un pas en avant il ne pleuvait plus, j’ai fait un pas en arrière, puis en avant, j’étais à la frontière, à la limite de la pluie, et j’étais incapable de repérer le bord du nuage, le bord de la pluie, je pouvais juste ressentir ses retombées, le signe égal de l’addition de la pluie, sans voir l’opération au-dessus du trait.
Le nombre d’opérations qui nous sont inconnues est bien plus grand que Cinq. Je compte, mais je ne sais pas compter.
Je fais des zooms et des glissements de caméras qui ne m’appartiennent pas. Ma nuque n’est pas légère. Je garde dans des dossiers des choses importantes, et je sais qu’elles le sont (importantes), mais je ne sais pas pourquoi, pas encore.
UnDeuxTroisQuatreCinq. Raconte-moi une histoire.
Le caladrius est doté d’une tête d’aigle, d’un long cou et d’une queue de serpent. Nocturne, il niche dans les rochers. On ne sait pas exactement de quelle couleur est son plumage. On dit que ses ailes, son bec et sa queue sont incolores. On le décrit aussi comme un "oiseau blanc avec des cuisses noires". On ne doit pas manger sa chair. Tout malade que le caladrius fixe dans les yeux vivra, tandis que ceux dont il détourne le regard seront condamnés à mourir. S’il refuse de regarder un mourant, c’est à cause du chagrin.
Est-ce que les oiseaux peuvent pleurer ?

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

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