• [protocole (5 textes 5 images tous les 5 jours)]

Un. Une cuboméduse d’eaux profondes (de celles qui produisent leur propre bioluminescence) n’a été aperçue qu’une seule fois, et n’a jamais été revue depuis. N’ayant pas pu être capturée et décrite avec précision, elle ne possède pas encore de nom scientifique, ni même vernaculaire, et sa classification exacte demeure inconnue à ce jour. Il est possible que cette cuboméduse – rose verte jaune délicatement transparente – rigole franchement lorsqu’on lui montre une rose des vents.
UnDeux. La rose des vents n’existe pas. C’est une invention. Les phéniciens l’ont créée de toute pièce, les marins grecs ont utilisé les quatre vents correspondant aux quatre points cardinaux, mais bien vite ils durent y ajouter les quatre vents intermédiaires : boreas (nord), kaikias (nord-est), apeliotes (est), euros (sud-est), notos (sud), lips (sud-ouest), zephuros (ouest) et skiros (nord-ouest), les italiens ont appelé ces vents comme suit : tramontana (nord), greco (nord-est), levante (est), scirocco (sud-est), mezzodi (sud), garbino, aussi appelé par la suite africus ou affricone (sud-ouest), ponente (ouest) et maestro (nord-ouest), aristote, vers -330, recueille cette classification pour en faire la première rose des vents, dite classique, aristote aurait pu inventer le dé à coudre, mais non, aristote aurait pu inventer la gelée de pomme à la place de la rose des vents, mais non. La facilité de l’humain à vouloir tout réguler contrôler dominer, nommer et par conséquent circonscrire, circonscrire le vent, pomper l’eau de nappes phréatiques (cf nestlé) et la revendre en se faisant passer pour beau grâce au fond l’oréal est bien pénible.
UnDeuxTrois. On dessine des roses des vents sur les cartes, différentes sortes de cartes, mais dès que l’europe est plus ou moins représentée au centre, en haut, un peu à droite, on peut affirmer que c’est foutu car s’il n’y a pas de nord – la terre tournant dans un espace sans nord – et s’il n’y a pas de sud, alors il n’y a pas de centre – nous nous tenons à la rambarde d’un escalier aux marches flottant entre les trous de matière noire, les amas de poussière sidérale sidérante et les orbites de planètes fantômes. On pourrait décider (et pourquoi pas) (oui, pourquoi non ?) de mettre, au centre de la carte, kiribati, le plus grand et le plus vieil atoll du monde. Il faut être attentif aux actes domination qu’on avale sans y penser, merdum mercatorum. Il n’y a qu’une seule mer pour les poissons.
UnDeuxTroisQuatre. La terre est peuplée d’organismes : les tortues luth aux carapaces en coques de navire, les physalies – le corps composé d’un flotteur surmonté d’une voile ourlée de tentacules, les panthères nébuleuses – qui bondissent de branche en branche et refusent de se reproduire en prison – les darlingtonia (aux appendices en forme de moustaches, gorgés de nectar), les filaos dont le tronc est solide comme du fer, les gerris qui marchent à la surface de l’eau sur la pointe de leurs pieds huilés (en se moquant du nord) et les humains, qui utilisent les mots pour nommer les autres organismes. Inventons les classifications, allons allons, dit le petit homme inquiet qui devient chauve.
UnDeuxTroisQuatreCinq. Mais les humains ne savent pas si les girafes – appelées autrefois camélopards – nomment, par d’autres moyens que l’écriture – plissements d’oreilles, sons de flûte, grognements, reniflements, sifflements, mugissements, et diverses mimiques –, les servals et les phacochères. Nous sommes bien peu de choses, dit-on en se tenant la tête. Nous ne savons que le début de la surface de l’écume d’un filet de vapeur. Mais au-delà de la brume de mer, nous organisons les déboires et les funérailles nationales avec brio.

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