W5 . 5 *goéland blanc
dimanche 25 juin 2023, par
Un. À 5 heures du matin, les chauves-souris font bal, elles prennent leurs virages comme des professionnelles. C’est l’heure où leur corps est visible, tout vibrant, découpé sur le fond du ciel pâle – avant 5 heures elles sont mêlées à l’ombre, après elles dormiront pendues la tête en bas je ne sais où. 5 heures est l’heure spéciale, et si j’ai l’occasion d’être là quand elles sont là, si nous sommes ces présences simultanées dans l’aube, elles en finesse rapide et moi plombée dans mes cailloux, le cou tordu pour les apercevoir, ce sera une bonne journée. Plus tard dans la matinée, au-dessus des champs, des hirondelles en chasse, prédateurs minces, vifs, entrecroisements redoutables que l’œil n’arrive pas à suivre. L’après-midi je les retrouve cette fois en plein mitan du ciel, elles jouent. Elles testent leurs boucles rapides comme des dauphins dans l’eau. C’est du temps d’hirondelle pour rien, juste pour le beau.
UnDeux. J’ai rêvé que je prenais le métro. Bien sûr le métro parisien. Étant née là où je suis née, c’est à dire en province, dans nos territoires, en région, en campagne, en périphérie de la rurale ruralité cambrousse, le mot métro allume le mot paris dans mes neurones diurnes et nocturnes. C’est pourtant une image bien laide. Quel dommage que mes rêves ne pensent pas au métro de Wuppertal filmé par Wim Wenders dans Alice dans les villes. Sa partie aérienne, surtout. On à l’impression de pouvoir s’en aller n’importe où, ou d’arriver de n’importe où, et que le sens est juste là, dans la rue suivante, derrière la porte du prochain hôtel, construit au milieu de tout et de nulle part, sans décorum.
UnDeuxTrois. Le temps des hirondelles, le temps des chauves-souris, le temps des conversations dans la cour, un accent de l’est et des rires, car parfois les nouvelles ne sont pas si mauvaises, le pire n’est jamais certain disait Maryse.
UnDeuxTroisQuatre. Si on pouvait changer les vols des étourneaux et mouettes en lignes, le ciel serait rempli de fils. Certains se cassent, comme celui du goéland albinos qui vivait près d’ici l’été dernier et qui n’apparaît plus. On entendait des chocs sur le toit. Puis il s’élançait, pesant, large, on avait presque peur. Maintenant on a peur de ne plus le voir, et tous les autres, de ne plus les voir [ici caser des noms d’oiseaux, pas comme injures mais comme un catalogue de noms sur pierres tombales] – absences plus denses que les présences.
UnDeuxTroisQuatreCinq. Je ne sais pas encore comment faire avec ce protocole de 5 textes 5 images tous les 5 jours : est-ce que les textes doivent se suivre, être liés entre eux, correspondre ou s’exonérer de l’existence des uns des autres en s’élançant, autonomes, en éventail ? est-ce que les images, photos, compositions, doivent accompagner le texte ou non ? ou bien sont-elles solidement seules elles aussi ? comme des blocs singuliers ? c’est-à-dire est-ce qu’elles se répondent ou pas ? et est-ce qu’elles sont censées arriver avant ou après le texte (ou pendant ?). Cette organisation de W5 est très mystérieuse, d’autant plus que c’est moi qui l’ai inventée et que dès que je me pose des questions pourquoi-comment-donne-moi-des-précisions, je fais mine de n’avoir rien entendu (si j’étais susceptible, je ne m’adresserais plus jamais la parole sans ronchonner).
.
(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)