extraits de la revue D’Ici là numéro 8
samedi 14 janvier 2012, par
dans la ville | claude ber
Dans la ville. Dedans, dehors. Je n’en sais pas davantage sur moi-même que la rue sur l’éventration de ses trottoirs. Ces deux demi sphères de l’interne et de l’externe accouplées par les habitudes sont pareillement exposées à l’incertain. L’oubli. L’encombrement. A la divagation inévitable de l’exactitude. Dans le câblage du dessus dessous. L’électrique des ondes et des réseaux. Il est possible que j’imagine seulement. Comme les motifs d’un tissu sans sa coupe. Dans un rêve citadin. Un pli de métamorphose urbaine. Des pensées analogues traversent d’autres filets de dendrites. Nous liant de la même manière que les pas pressés vers le métro. La bousculade au portillon, la course dans les couloirs des stations, la pause fatiguée sur l’escalator. Toutes choses répétitives d’en dessous. Au dessus la couleur changeante de la pluie. Le ciel décidé parce qu’il fracasse de sa hauteur brusque l’indécision. Et la nécessité de devenir au milieu des détails. Un plan de la ville s’y dessine, divorcé de sa durée. Sommairement- :-c’est plus bref qu’elle.
red & blue, 2010 | matthew cusick
villes passantes | cécile portier
Je suis toujours à la place du mort, la place à côté. Mais je regarde devant moi. Ainsi je crois avancer, presque conduire. Je suis à la place du mort, mais pas tout à fait. Car à côté de moi, au bout de mon bras, j’installe un passager supplémentaire, à peine un passager, une instance, en tout cas, qui puisse prendre ma place du mort par délégation. J’installe à côté de moi, au bout de mon bras, un regard à déclenchement automatique, qui ne regarde pas comme moi la rue qu’on avale, mais la bande passante des murs et des devantures qui défile, défile, défile. Tête droite, à l’aveugle, je déclenche mon regard latéral. Mon regard mort. Ce qu’il a vu : l’envol des néons, l’évanouissement des formes, l’abstraction de nos vies. Ce qu’il a vu aussi : sous la ville évanouie, quelques silhouettes figées dans la lumière avide. Il a vu dans la nuit des signes persistants, des signes insistants, des signes inquiétants. Prêts, déjà, à servir notre propre archéologie. Il a vu la bouche d’ombre, celle que, par la vitesse, j’évite.
Le huitième numéro de la revue d’ici làest consacré à la ville.