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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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Perle jetée au feu de Mickaël Glück

lundi 30 avril 2012, par c jeanney

«  perle jetée au feu ne reste que la cendre est une phrase tombée sans prévenir, qui tranche dans l’amorphe, coupe la main qui l’écrit, fait tâche rouge »

Ce texte de Michaël Glück est une Respiration, une Colère.

La mise en page et la place des fragments et césures appuie parfaitement l’intention du texte et son intensité. Comment écrire et brider la pulsion de colère pour qu’elle devienne audible, juguler l’intensité du dégoût, la force de la colère monstrueuse devant les monstres, devant la monstruosité, armes inégales. Que sont des mots pour lutter, notre place où est-elle, nous, humains, qui savons, laissons faire, assistons, ou souffrons, et ceux qui ne peuvent sortir du silence, aujourd’hui, hier, toujours. C’est tout l’enjeu de garder assez de puissance, traversé par ce souffle qu’il faut interrompre, une respiration, reprendre ensuite, raffermi, pour être capable de dénoncer à nouveau, et il faut toute la finesse et la dextérité de Michaël Glück pour y parvenir. Perle jetée au feu, texte rare, où chaque page/fragment de mon exemplaire est surlignée une phrase /expression belle, douloureuse, importante.

« depuis l’enfance j’apprends à compter les morts »

Faire les comptes, les décomptes, d’une voix posée (magnifique lecture-vidéo en fin d’ouvrage sur la version Ipad).

Perle, une petite fille, un quai de gare, une main qui essaie d’en attraper une autre.

« le corps est un volcan qui ne crache pas sa propre langue mais langue plus vieille »

Ci-dessous deux extraits, qu’il était difficile de choisir tant ils sont nombreux les passages que je veux conserver :

"disparition

la nuit fraise les dents des morts, creuse dans l’éburnéenne pâleur et là sont-ce écrans, micro-écrans sur lesquels sont projetés les derniers mots, quelque chose qui ressemblerait à l’optogramme, l’impossible dernière image qui aurait brûlé la rétine – ou bien implosion, le récepteur s’autodétruit – rien plus rien ce qui était ou fut s’effondre ou précipite, mais garderait ici mémoire charbonneuse, peu à peu l’hippocampe plonge et ventouse les pupilles, suce les yeux, racle et vide les orbites, il nage dans l’encre des éclipses, personne ne se relèvera d’entre les oubliés, ni les enfouis ne soulèveront la peau des plaines pour engendrer les montagnes, ni la poussière ne retournera au golem, sur les rives de la vlatva ne reviendront que les mots entre disparition et dispersion, perle jetée au feu ne reste que la cendre alors sur le quai de la gare centrale je verrai cette enfant que je n’ai jamais vue, celle qui mains unies derrière le dos longeait les trains d’exil en claudiquant à la façon du marchand ambulant qui lançait vers le ciel gris de l’histoire, pivo pivo qui veut de la bière, de la blonde de la brune de la rousse de la fraîche des goûts et des coups, pleure ne pleure, elle ne pleurait jamais la petite fille sur le quai de la gare centrale de praha"

[...]

"au feu ne reste

que l’encre fleuve et la barque prise dans un siphon de cauchemars, un tourbillon dans lequel la pensée, ce vagabondage, cette rêverie noire se noie, tu m’écoutes, non, tu ne m’entends même pas, c’est la faute aux mots, ne passent pas le seuil, ne franchissent pas la barrière des dents, ne déchirent plus les lèvres, ne font plus trouée dans le visage, chemin vers, tu m’écoutes, les yeux sont ailleurs, tournés vers, tu ne m’entends même pas, au feu ne reste que la cendre"

Perle jetée au feu de Mickaël Glück
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