Question archivage, la dernière pellicule est notre présent. Nous arrivons en haut du tas de feuilletage passé pour glisser sous nos pieds une nouvelle feuille, aujourd’hui, aujourd’hui, aujourd’hui, et ainsi de suite. Il faut s’arrêter un peu, comme dans une randonnée, ou une promenade dans une ville inconnue pour regarder un peu, en haut, plus loin, ou en arrière. Nous sommes la seule espèce vivante qui connaît l’écriture. Nos recherches ont montré que les singes possèdent le rire et les rats l’empathie, que l’éléphant enterre ses morts, que le cochon peut faire semblant, que certains oiseaux dansent, cousent entre eux des brins d’herbe, que les castors assemblent et élaborent, que l’orque lance sous l’eau des messages dans une langue propre à sa tribu. Notre espèce a le goût d’archiver. Nous archivons par l’écriture, et nos innovations techniques nous permettent le film, la photo, le tissage, le tableau, la musique, le façonnage d’objets qui disent notre présence, notre existence maintenant. Ça s’accumule. D’autres maintenants s’empilent et nous sommes tout en haut, à regarder, ou bien nous sommes en bas, et ça joue sur nos têtes, ça pèse sur nos épaules, nos dos ploient sous la masse des formes multipliées, de nous en nous, de soi en soi, d’autres à nous-mêmes. Nous archivons nos féeries. Nous archivons nos destructions. Nous relevons les débuts, les débuts, et encore les débuts, et consignons les fins probables. Nous savons, sans nous l’avouer ouvertement, que la fin sera rien, rien à noter nulle part, avec personne pour s’en apercevoir. Nous sommes d’une grande inconséquence avec nos questions brèves. Nous allons, c’est la loi, le principe, la méthode et la forme, le drame délicat, sort ou coïncidence, nous glisser sous les pieds un feuillet de présent, empiler sur nos dos le linge de maintenant, allons, allons.

.........................(Momigami avec une page d’atlas)

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