TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

ABC | PMG

O comme Oh !

lundi 1er janvier 2024, par C Jeanney

ABC | PMG
accompagne
Lotus Seven


Un des ennemis de PMG, parmi une liste assez longue, selon Peter Falk, c’est l’ennui.
Il aime faire trembler l’échelle sur laquelle il nous fait monter.
En tant que réalisateur, il avance calmement, presque sous couverture.
Pas de montage show off, de vues en contre-plongée ou de travelling d’ouverture du style La Soif du mal [1], rien d’ostensible.
Peter Falk est filmé pas à pas, comme d’habitude, nous pouvons enfoncer nos pieds dans des chaussons.
Et puis arrive un grain de sable, la touche du saboteur [2].
Le Oh !
Par exemple, dans Last Salute to the Commodore (en français « La Montre témoin ») que PMG a réalisé.
Lorsque l’inspecteur Columbo doit mener un interrogatoire dans le port, celui à qui il pose ses questions se trouve à plusieurs mètres au-dessus du sol, sur le pont d’un bateau en cale sèche, et l’échange se complique de bruits de soudure et de scies électriques, le dialogue s’en trouvant comme empêché. C’est PMG qui nous demande de dresser l’oreille – ou plutôt nous force à.
Toujours dans Last Salute to the Commodore, PMG aime asseoir Peter Falk et Robert Vaughn l’un contre l’autre et les faire s’emmêler dans les fils du téléphone.
Une autre de ses trouvailles se trouve dans Identity Crisis [3] (« Jeu d’identité »).
Peter Falk, à quatre pattes sur le bitume, ramasse des pièces de menue monnaie (il est toujours en manque d’argent).
Le garagiste s’approche de lui pour lui donner un billet de dix dollars, offert par le conducteur invisible de la voiture en arrière-plan.
Toujours à quatre pattes, Falk relève la tête et tente de voir le mystérieux donateur.
La logique voudrait qu’un plan rapproché nous montre le visage de celui qui est au volant, mais non.
La caméra reste à hauteur du sol.
On entrevoit une main qui s’approche de la vitre de la portière, une main qui s’agite, bouge les doigts drôlement, dans une sorte de chatouillis lointain.
Puis nous voilà propulsé à l’intérieur de la voiture, assis sur la banquette arrière, derrière la nuque de Nelson Brenner (le conducteur, joué par PMG).
La tête de Falk entre par la vitre dans l’habitacle, s’avance, énorme, prend toute la place.
Elle semble fondre sur le conducteur comme l’aigle sur sa proie.
Columbo est passé d’un état de faiblesse à un état de prédateur.
Un jeu de chat et de souris, où les retournements sont possibles.
Ce qu’on penserait anticipable se retourne.
PMG montre qu’il aime aussi l’humour absurde [4].
PMG aime le saugrenu, les intonations inattendues d’un Leo McKern [5].

sommaire
ABC.PMG


[1« La Soif du mal » (Touch of Evil), film policier réalisé par Orson Welles en 1958.

[2cf W comme Welles.

[3épisode 3 de la saison 5 de Columbo, réalisé et interprété par PMG.

[4Peter Falk : « […] je lui ai demandé s’il jouerait dans un autre scénario (Identity Crisis) et s’il le dirigerait. Et pendant son temps libre, il pourrait le réécrire. Il a fait les trois. Il y a une scène […] que j’utilise maintenant comme modèle pour les scénaristes qui veulent travailler avec nous. […] [C’]est la première fois que Columbo rencontre le méchant. Cette scène a également été écrite par Pat, et c’est la meilleure première rencontre jamais écrite pour la série. C’est fait avec une économie de mots, mais on sent qu’ils sont immédiatement pris dans une tension invisible qui relie ces deux hommes. Et c’est à la fois captivant et amusant. Je ne peux même pas parler de cette scène sans rire. […] Columbo a une photo d’un homme qu’il croit être Brenner, le personnage de Pat dans l’histoire. Elle a été prise dans un parc d’attractions et Brenner est une figure à l’arrière-plan de la photo. Je vais dans cet hôtel, et l’homme que je pense être Brenner se tient à la porte de la salle de bal. Dans la salle de bal, quelqu’un prononce un discours devant un groupe d’hommes d’affaires. J’ai la photo dans ma main et je m’approche de l’homme et je regarde la photo, puis je lève les yeux vers lui. Je n’ai encore rien dit. Je regarde plusieurs fois attentivement, j’alterne entre la photographie et le visage de l’homme. Il se retourne et me remarque. Nous nous regardons directement dans les yeux pendant plusieurs secondes. Il dit : "Vous vous êtes trompé de salle." Et je demande, "M. Brenner ?" Et il dit : "Oui. Vous vous trompez de salle." Je lui dis que sa secrétaire m’a expliqué que je pouvais le trouver ici, et je lui demande s’il connaît un A.J. Henderson. Il dit : "Non, je ne sais pas. Vous vous êtes trompé de salle, monsieur." « […] I asked him if he would act in another script (Identity Crisis) and if he would direct it. And in his spare time, he could rewrite it. He did all three. There is a scene in Identity Crisis that I now use as a model for the writers who want to work with us. I put it on tape to give to them as an example. […] [It’s] the first time that Columbo meets the villain in Identity Crisis. That scene was also written by Pat, and it’s the best first-encounter ever written for the series. It’s done with an economy of words, yet you feel they are immediately caught up in an invisible strain that connects these two men. And it’s simultaneously compelling and amusing. I can’t even talk about that scene without laughing. Columbo has a photograph of a man that he believes is Brenner, Pat’s character in the story. It was taken at an amusement park, and Brenner is a figure in the background of the photo. I go to this hotel, and the man I think may be Brenner is standing at the door of the ballroom. Inside the ballroom someone is making a speech to a gathering of businessmen. I have the photo in my hand and go up to the man and look at the photograph, and then look up at him. I haven’t said anything yet. I look back and forth between the photograph and the man’s face several times very intently. He turns and notices me. We look each other directly in the eye for several seconds. He says, "You have the wrong room." And I ask, "Mr. Brenner ?" And he says, "Yes. You have the wrong room." I tell him his secretary said I could find him here, and I ask him if he knows an A.J. Henderson. He says, "No, I don’t. You have the wrong room, sir." »

[5« Leo [McKern] travaille à un rythme formidable. Il suffit d’utiliser une intonation inattendue et il la saisira immédiatement avant d’en sortir une nouvelle de son cru. Puis on développe à partir de ça. Et ça devient une sorte de duo rythmique. » (PMG dans Six Into One)

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