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journalier 22 03 15 / Chimie

dimanche 22 mars 2015, par C Jeanney


 La chimie, notre chimie, ce que ça bouge dans la chimie de nos cellules d’entendre un accord précis (souvent mineur, mais parfois c’est la bascule dans le changement de ton qui prend la gorge) et l’impression qu’il y a afflux d’espace autour.
Joshua Bell joue Tzigane (dans cette phrase entre ce que je ne sais pas dire, chimie, chimie, qui prend soudain tellement de place, augmente le corps, ce n’est pas une question d’air, l’expression de Faye d’augmenter l’air respirable, dans cette expression-là ce n’est pas l’air qui compte, mais l’espace autour pour le respirer, tout comme dans la phrase Joshua Bell joue Tzigane, ce ne sont pas les mots qui font sens, ils ne se limitent pas à ce qu’ils disent, chimie, chimie, la chimie des mots est un mystère, comme celle des sens, cette sensation de liberté à une lecture, cette sensation de retrouver des forces, d’être à nouveau capable, et c’est neuf, d’entrer en résistance contre les griffes du réel – entailles des sons qu’on nous envoie de force, l’entonnoir à musiques obligatoires et notre pavillon auditif tout au bout, ligoté – d’être capable ou de sentir de croire qu’on peut monter une marche plus haut, d’accéder à l’écoute, déchirer des membranes cellophanes contraignantes, se préparer à une grande bataille, la guerre de soi en marche, une guerre joyeuse qui écrase les plafonds trop bas, écrase les considérations ronflantes, écrase les pieds médiocres, et c’est pourtant un être humain qui donne cela, un être chimiques, des cellules assemblées humainement, le crin de son archet s’abime, un fil s’est détaché, une effilochure qui bat l’air, ce fouet, il faudrait inventer d’autres mots que "caresse" ou que "frôle", que "frotte" ou que "déchire", mais le vouloir est prétentieux, vouloir trouver pour dire Joshua Bell joue Tzigane d’autres mots qui remplacent les mots, quoi pour reproduire geste mouvement descente torsion cœur entrailles double tympan écart noyau le centre allongé soulagement épaule contre souffle de si loin qu’il faudrait si lointain l’halluciné lointain l’atteindre si lointain se coucher et s’éteindre refusant de s’éteindre, et s’étreindre dans l’unique temporalité, et puis une pulsation, chimie, chimie, nos cellules vivantes capables d’écouter et de sentir dans ce si large écarquillement de Joshua Bell joue Tzigane, d’y voir une danse, plus qu’une danse, un chant, plus qu’un chant un tableau, et la question du rythme arrête brusquement le rythme de l’écrire).
 Le rythme de l’écrire peut tenter de copier le rythme de la musique ou celui de l’image (une maison le soir, un homme une femme assis devant la mer, accoudés à un bar la nuit, le rythme de l’écrire peut s’accouder, s’y accoler, le longer le blues, toccata les arêtes saillantes des mots déboulent les pierres de la montagne) mais le champ sémantique des mots sera toujours plus large qu’eux, comme la chimie est plus grande que nous, comme la musique.
 Et cette vie dans les mots dépasse aussi leur taille, dépasse leur champ / chant sémantique, cette fertilité (je lui ai coupé les cheveux et une mèche est tombée sur le carrelage, s’est séparée en éclats noirs, une petite araignée on aurait dit, une petite araignée, l’apparence de la vie, mais n’en est était pas une, juste une mèche de cheveux, vivante elle aussi, pareils les mots savent s’éclater sur les carrelage et dire la vie, sa puissance au carré)
 L’expansion de cet univers-là que je cherche, parce que l’expansion de l’autre, le grand, je n’y ai pas accès directement. Un vol de sonde comme une musique peut-être, allant au même endroit serré en nous que les Métamorphoses de Strauss ?
Et nous couler dans ce tunnel.
(toujours finir par l’idée d’une planète)

(pendant ce temps sur les photos, tableaux et sons)

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

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