TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

JOURNAL DE TRADUCTION DES VAGUES #WOOLF

journal de bord des Vagues -107 ["ils captent en eux des sons lointains, inouïs"]

mardi 5 septembre 2023, par C Jeanney

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(journal de bord de ma traduction de
The Waves de V Woolf)

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(nous sommes toujours dans une grande salle où se trouvent attablés les personnages des Vagues)

 le passage original

‘Look,’ said Rhoda ; ‘listen. Look how the light becomes richer, second by second, and bloom and ripeness lie everywhere ; and our eyes, as they range round this room with all its tables, seem to push through curtains of colour, red, orange, umber and queer ambiguous tints, which yield like veils and close behind them, and one thing melts into another.’
‘Yes,’ said Jinny, ‘our senses have widened. Membranes, webs of nerve that lay white and limp, have filled and spread themselves and float round us like filaments, making the air tangible and catching in them far-away sounds unheard before.’
‘The roar of London,’ said Louis, ‘is round us. Motor-cars, vans, omnibuses pass and repass continuously. All are merged in one turning wheel of single sound. All separate sounds — wheels, bells, the cries of drunkards, of merrymakers — are churned into one sound, steel blue, circular. Then a siren hoots. At that shores slip away, chimneys flatten themselves, the ship makes for the open sea.’
‘Percival is going,’ said Neville. ‘We sit here, surrounded, lit up, many coloured ; all things — hands, curtains, knives and forks, other people dining — run into each other. We are walled in here. But India lies outside.’



c’est l’histoire d’une séparation, d’un arrachement
il est décrit sans pathos
il est subi, et personne n’est armé, personne n’a les épaules assez solides pour le supporter, Percival s’en va
la lumière se lève, c’est comme une aube, un matin neuf, un jour marquant, une borne, le jour où Percival s’en va
ce jour-là n’a aucun sens, ne fait pas sens
c’est pourquoi tout se mélange, les gens, les fourchettes, les sons, tout roule
c’est joli, mais c’est une catastrophe
aussi joli que l’éruption d’un volcan
il n’y a rien à faire
aussi Rhoda, Jinny, Louis et Neville ne font rien, ils ne peuvent que constater, qu’examiner les séquelles de la déflagration, cette roue, ce cercle bleu acier (déjà au commencement il y a des cercles à observer, mais ceux des débuts dans la nurserie sont des cercles de naissance, d’éclosion, ce cercle-ci est une fin, l’éclosion d’une fin, un départ, un trou, un manque)
et tous ont cette immobilité sidérée
se sentent étrangement inclus dans le réel, étrangement distanciés
tout s’organise autour de soi et s’accélère, c’est en route, un glissement, un rapetissement, un bateau part, Percival s’en va
Neville constate, prend note, photographie l’instant
les limites ont beau ne pas être précises et chatoyer, les contours peuvent bien s’effacer, même si tout se fond l’un dans l’autre, il y a une frontière aussi coupante qu’une lame, entre eux et Percival qui part (We are walled in here. But India lies outside.)
Rhoda, Jinny, Louis, Neville décrivent
Susan muette n’existe plus, son silence est signe de deuil profond
Bernard, qui autrefois «  tressait les fruits en phrases » (dans le paragraphe précédent, et ce n’est pas accidentel que celui-ci porte sur la mémoire, la disparition, il était là comme une préparation), Bernard va reprendre, comme s’il empoignait son bâton de marche, son rôle : raconter, imaginer, inventer, et c’est pourquoi le paragraphe suivant commencera par « ’I see India,’ said Berard. »

- grandes difficultés à retrouver ces Vagues, quittées l’année dernière, aussi j’ai passé beaucoup de temps à travailler ce que dit la voix de Rhoda, il me semble que c’est elle qui initie le mouvement de ce passage (la naissance d’un tourbillon-brasier qui finit en effilochement)
une fois ce passage-là mis au clair, le reste a suivi plus fluidement
(c’est pour moi aussi, comme pour les personnages, un passage marquant avec cette reprise , on peut dire ça)


 ma proposition

« Regardez, dit Rhoda, écoutez. Regardez comme la lumière s’intensifie, seconde après seconde, comme elle fait tout fleurir, tout s’épanouir ; notre regard, tandis qu’il survole la salle, les tables, semble franchir des rideaux de couleurs, du rouge, de l’orange, de l’ombre, des teintes étranges et ambiguës, comme un voile s’ouvre et se ferme après lui, et une chose vient (se∗) fondre dans l’autre. »
« Oui, dit Jinny, nos sens prennent de l’ampleur. Les membranes, les réseaux de nerfs, auparavant mous et blancs, se sont gonflés, ils se diffusent, ils flottent autour de nous en filaments, ils rendent l’air tangible, ils captent en eux des sons lointains, inouïs. »
« Le rugissement de Londres, dit Louis, nous encercle. Voitures, camions et omnibus vont et viennent sans cesse. Se fondent tous en une roue unique, tournoyante. Chaque bruit – pneus et cloches, cris d’ivrognes et de noceurs – s’amalgame au suivant jusqu’à ne plus former qu’un son, un seul, un cercle bleu acier. Une sirène hurle. Puis les berges s’écartent dans un glissement, les cheminées s’aplatissent, le navire met le cap au large. »
« Percival s’en va, dit Neville. Nous sommes assis ici, entourés, illuminés, multicolores ; tout est brassé – les mains, les rideaux, les couteaux, les fourchettes, les convives. Nous sommes ici, (et∗) emmurés. Et dehors, il y a l’Inde. »

-les deux mots entre parenthèses avec ∗ vont sans doute être supprimés dans la version suivante/finale

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( work in progress )

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)</

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