TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

W5 (5textes5images5jours) (actuellement en dormance)

W5 . 16 * "surrémige"

samedi 19 août 2023, par C Jeanney

-* [protocole (5 textes 5 images tous les 5 jours)]

Un. Il y a des parures en os, qui datent de 25 000 ans avant notre ère et sont taillées, comme de minuscules sapins de noël, comme des feuilles raides, comme des assemblages de traits superposés. Elles ressemblent à des plumes.
J’essaye de bricoler un objet imparfait qui me permette de voir.

UnDeux. « La plume du peintre provient de l’aile de la bécasse des bois. C’est une petite plume pointue en forme de fer de lance, souple et rigide à la fois. Elle est aussi nommée pinceau ou surrémige. Au Moyen Âge, on s’en servait pour réaliser les enluminures. »
« L’ONCFS précise que "le décret du 25 novembre 1977 interdit le colportage, la mise en vente, la vente ou l’achat, qu’ils soient vivants ou morts, des spécimens bécasse des bois (Scolopax rusticola)" et que la bécasse ne figure pas dans "la liste des oiseaux pouvant faire l’objet d’un commerce (...)" prévue dans l’arrêté ministériel du 20 décembre 1983. »
L’astronome voit un petit point blanc sur fond noir. Il en déduit que c’est une étoile.
Le chasseur voit une bécasse des bois et tire. Nous ne sommes pas tous équipés des mêmes capteurs de sensibilité.

UnDeuxTrois. Les dimensions imperceptibles sont un territoire de recherche. La plume se tient à l’extrême limite du perceptible, c’est mon intuition.
L’environnement fabriqué par les instruments change sans cesse.

UnDeuxTroisQuatre. Dans une gravure à la plume du XIXe siècle, un homme chasse une oie. Il tente de l’attraper mais ses mains ne touchent que le blanc du papier. Son chapeau s’envole.

Le duvet qui sert aux matelas est emprisonné. La question du tissu est cruciale. Elle sauve, soigne, emprisonne, recouvre. Bien sûr, à travers une si grande couche de tissu on ne peut rien voir. C’est pourquoi le cinéaste a troué du drap noir et placé derrière lui des projecteurs de façon à reconstituer la nuit.

UnDeuxTroisQuatreCinq. Aux pieds du légionnaire romain, une armure a été jetée, avec sa coiffe.

Le panache blanc est un symbole de paix et un pacte de non agression. Nous passons beaucoup de temps à ignorer les symboles que nous croisons. Nous en inventons beaucoup. Les pires sont les plus tristes et ceux qu’on ne voit pas venir. Comme l’homme asphyxié au sol, sous le genou d’un policier coupable d’homicide involontaire et violences volontaires ayant entraîné la mort. Je ne change rien en l’écrivant. Les bons mots, même ceux écrits en majuscules, n’ont pas ce pouvoir. Ils servent juste à dire à certains, certaines, Je suis avec toi, moi aussi, je comprends, je compatis. Comme on s’assoit autour d’un feu quand la nuit tombe. Depuis 25 000 ans il y a eu beaucoup de feux, et ça n’est pas fini, pas encore. Les feux serviront encore à se raconter et à se pardonner, bien après l’apparition lente ou brutale de nos morts. C’est la même chose avec la plume du peintre, arrachée à la bécasse, qui dessine, longtemps après la fin du 1er siècle, un légionnaire. Nous n’avons pas fini de nous battre. Nous sommes dans un camp. Nous attendons le signal. Nous comptons nos partenaires, nos adversaires. Nous nous menaçons. Nous nous étreignons. Nous sommes particulièrement efficaces en ce qui concerne les bandages et les baumes cicatrisants. Nous fabriquons des bateaux puissants. Ils fendent la mer en deux et le jus qui sort de leur cale est rouge. Le sang de poisson ne nous fait pas peur. Le sang de bécasse ne nous fait pas peur. Le sang de peintre ne nous fait pas peur. Nous avons très peur des trous dans le drap noir, mais pas assez pour ficher le camp, quitter le camp et faire que cesse l’obstination guerrière. J’essaye de voir. Les appareils optiques se perfectionnent à grande vitesse.

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