TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

W5 (5textes5images5jours) (actuellement en dormance)

W5 . 17 * otus

jeudi 24 août 2023, par C Jeanney

-* [protocole (5 textes 5 images tous les 5 jours)]

Un. Le cinéaste montre la création de l’univers (sa création de l’univers) saupoudrée de citations de la bible. « Son script n’était pas un script » déclare un témoin, « mais plutôt une sorte de long poème ». Ce que ce témoin classe sous l’étiquette poésie est une question, une question bonne à triturer pour tout le monde. Pour lui, peut-être les plans larges et techniques où l’équilibre et la vitesse, le ralenti et la perte de repères, donnent ensemble l’idée d’infini qui est la sienne. Pour moi le fait que le cinéaste avoue avoir filmé sa création de l’univers dans une casserole de lait portée à ébullition et filmée à travers des filtres de couleur (que j’aimerais faits à la main dans son garage).

UnDeux. La plume d’une buse (une des plumes de la) est striée de lignes larges et brunes sur fond sable. Celle (une des) d’une pintade est mouchetée de larmes blanches. Celles d’une tourterelle turque, brunie, parfois blanche, parfois cendre. D’un colvert, couvertes de minuscules astéroïdes, ou séparées en deux noir et marron, ou frisées et sombres, ou larges et couleur de terre.
La légèreté ne peut pas s’attraper. C’est pourquoi elle n’est pas superficielle.

UnDeuxTrois. Le bourgeon d’une fleur de Passiflora Amethyst ne met que quelques minutes à s’ouvrir, comme si un élastique invisible en action se détendait, progressivement, et dans à peine vingt-quatre heures il ne sera plus qu’un fourreau serré de pétales chiffonnés et pendants, léger. La fleur de la Passiflora alata est rouge, ventrue, musclée. Celle de la Passiflora antioquiensis est petite et ressemble à un lys. Celle de la Passiflora quadrangularis, ou barbadine, ou grenadille géante, est faite d’une multitude d’algues violettes assemblées comme autour d’un crâne. La Passiflora foetida, aussi connue sous les noms de marigouya (Marie-goujat), Maribouya, bonbon koulèv (bonbon couleuvre), Pòm lyann kolan, Tok mol, Kopou, Kokiann, poc-poc, grenadille-caméléon, pomme liane collant, Running pop ou Bejuco canastilla, est blanche. Nous n’avons pas assez de noms pour parler d’elle, car nous n’en sommes qu’aux débuts.

UnDeuxTroisQuatre. « Un tiers des spécimens que nous remontons est totalement inconnu des scientifiques, s’émerveille le chef de l’expédition. On n’a même pas commencé à gratter la surface de ce que nous savons des poissons qui vivent dans les abysses. » Les abysses sont plus légers que l’air.

UnDeuxTroisQuatreCinq. Raconte-moi une histoire.
« Au large de la côte ouest de l’Afrique, sur la petite île de Principe, d’étranges cris hantent les heures tardives de la nuit. Peu de personnes ont pu entendre ces bruits, qui émanent des forêts anciennes d’une zone inhabitée, au sud de l’île. Ils commencent juste après le coucher du soleil et ressemblent parfois au râle d’un insecte, au miaulement d’un chat ou encore au hurlement d’un singe. C’est en 1928 que les habitants de l’île ont remarqué ces cris pour la première fois, mais comme ils n’avaient pas les moyens de voir dans la noirceur nocturne de l’imposante canopée, ces sons sont restés un mystère pendant des décennies.
L’origine de ces étranges bruits a désormais été identifiée : il s’agit, selon une récente étude publiée dans la revue ZooKeys, d’une nouvelle espèce de petit hibou.
Même si l’on suspectait son existence depuis près d’un siècle, Otus bikegila n’aurait peut-être jamais été officiellement découverte et décrite sans Ceciliano do Bom Jesus, un guide de la région que tout le monde connaît sous le nom de Bikegila. Bien avant la création du parc naturel Obô de Principe en 2006, Bikegila, dont le surnom n’a pas d’origine particulière, comptait parmi les nombreux hommes qui gagnaient leur vie en grimpant dans la canopée pour arracher les poussins de perroquets jaco de leurs nids pour le commerce des animaux de compagnie. Après la mise en place de la protection de la zone et de l’interdiction de l’exploitation des perroquets, Bikegila a décidé d’utiliser ses vastes connaissances de cette nature pour une tout autre activité : celle de guide. C’est toutefois au début des années 1990, alors qu’il cherchait encore des poussins de perroquets, qu’il est devenu l’une des premières personnes à repérer un individu Otus bikegila. Pendant près de vingt-cinq ans, il a assisté les scientifiques lors de chaque expédition organisée pour trouver l’oiseau, et a notamment participé au voyage qui a conduit, en juillet 2016, à la toute première preuve photographique de son existence. Près d’un an plus tard, le 29 mai 2017, Bikegila est parvenu, avec Hugo Pereira de l’Université de Porto, qui a participé à la rédaction de l’étude, à attraper un spécimen pour la toute première fois.
C’est cet individu que les scientifiques ont utilisé pour la description de l’espèce.
En l’honneur du travail des guides du monde entier, Freitas et ses collègues ont choisi de lui donner le nom de Bikegila, qui est également coauteur de l’étude sur les dangers auxquels Otus bikegila est confronté.
Lorsque nous lui avons demandé ce qu’il aimerait que le monde sache au sujet de son île, Bikegila a répondu en retournant la question.
"Pourquoi ne peuvent-ils pas venir ici ? Vous devriez leur dire de venir. Ils doivent découvrir le paysage, les oiseaux, l’histoire par eux-mêmes, et en tirer leur propre jugement ensuite. C’est mieux comme ça." »

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

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