TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

W5 (5textes5images5jours) (actuellement en dormance)

W5 . 6 *la souris

vendredi 30 juin 2023, par C Jeanney


Un. Près des vestiges du port artificiel des gens qui font les fous, dont un qui part à la conquête du morceau de béton branlant mangé de sel, de rouille et d’algues, on pense que c’est dangereux, mais il rit, puis quand plus personne ne s’intéresse à son exploit il s’assoie, comme un enfant submergé par l’ennui.
UnDeux. Dans l’eau à ses pieds c’est phénoménal, des dizaines et des dizaines de bernards l’ermite, certains pas plus gros que l’ongle, se déplacent, mais vers quoi, se croisent, mais pourquoi, se laissent voguer dans le clapotis doux, il fait beau. Certains sont nus – sans coquille –, peut-être à la recherche d’une armure à leur taille. Ils se regroupent en quantité impressionnante – pour avoir plus de choix locatif ? On raconte qu’ils peuvent former une sorte de ronde autour d’une coquille vide de bonne taille. Le plus gros d’entre eux décide alors de l’investir, laissant la sienne vacante, voyant cela le second s’y engouffre et offre sa coque au troisième et ainsi de suite, jusqu’à ce que ne reste que la plus petite de toutes les coquilles, vide (jeu des chaises musicales, mais la musique c’est la mer).
UnDeuxTrois. Souvent je ne comprends rien. Buvant le café sur son balcon et remarquant des miettes de pain sous nos pieds, après avoir fait la liste des espèces visibles ici (pinsons des arbres, mésanges charbonnières, mésanges bleues, rouge gorge, verdiers, merles et merlettes et bien sûr moineaux) (elle les aime tous), je mentionne diplomatiquement (j’ai entendu dire, il paraît, je crois sans être certaine, il semblerait) que la nocivité du pain sur le peuple oiseau est terrible, produisant un triptyque estomac qui gonfle, souffrance, mort. Je pense l’éclairer sur cette pratique, elle répond Oh mais je sais, je sais très bien, mais c’est un tel plaisir de les voir.
UnDeuxTroisQuatre. Dans un carnet de notes des années 1940-1950, Jean Paulhan écrit sur la « belle page », en vis-à-vis de citations découpées dans des livres. Ses s sont ronds, à peine fermés, des s d’enfant qui se dépêche et sa main a du mal à suivre. Dans un autre carnet de notes plus ancien (de 1910-1013), son écriture était différente. Les s surtout, si épurés, de simples / – bâtons penchés, comme un enfant qui se dépêche. Un bâton pour gagner du temps, un rond à peine fermé pour gagner du temps, c’est ce que je vois dans cette écriture, gagner du temps sur la vie, la pensée, être au monde.
UnDeuxTroisQuatreCinq. « "….il m’a semblé que les fleurs de Tarbes,, étaient des efforts gigantesques pour accoucher d’une souris..." (Alice Poirier, lettre)
Ah, la souris pour le moment me suffit. Si c’est une vraie, si c’est une bonne souris, les montagnes suivront.
 »
Au lycée de Tananarive, Jean Paulhan recueille des textes populaires malgaches, les hainteny (je découvre). Hain-teny : composé de hain (« su, connu, dont on est capable »), et teny (« mot, parole, discours »). Les hainteny dont je suis capable sont parfois lourds à porter, difficiles à dire ou bien légers, et par moment domesticables par groupe de 5, W.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

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