TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

ABC | PMG : ABÉCÉDAIRE de P. MCGOOHAN

C comme caractère, cascade et coriace

lundi 1er janvier 2024, par c jeanney

ABC | PMG
accompagne
Lotus Seven


PMG a 55 ans [1].
Deux fois le chiffre 5, chiffre parfait, à la forme parfaite, ronde et asymétrique, à la fois nid et fouet.
Mais PMG semble plus âgé.
Barbe blanche, yeux creusés, corps sec, sécheresse accentuée par le gris du costume, de la chemise, accentué par le blanc des murs de la pièce de cette maison inoccupée, blanc clinique, impersonnel, strié de stores à lamelles et de béton brut.
Il essuie ses lunettes à monture d’écaille grâce à une sorte de mouchoir à motifs tartans.
Cette scène ne ressemble pas à 1983.
Ni fleur psychédélique ni lampe à lave ou fauteuil en demi-coquille orange.
S’il ne semble pas avoir 55 ans et que 1983 ne se voit pas, c’est sans doute que nous sommes au-delà des chiffres.
Le gris et les chiffres ne disent rien de Santa-Monica, la plage, les palmiers, la grande roue, les touristes.
Il y aura beaucoup de touristes dans cette histoire.
D’ailleurs beaucoup regarderont Le Prisonnier en touristes, croyant suivre les aventures d’un excellent agent secret.
Ils éclateront, injures et invectives, au dernier épisode, car la résolution – dévoiler le visage du Mal – change le divertissement en pensée philosophique, psychanalytique, sociale, politique, métaphysique ; ils sont déçus de ne pas voir repartir le héros comme d’habitude, héroïquement, sa coupe de Champagne à la main, toute pétillante de bulles d’air vide.
PMG semble désabusé, intègre, colérique, détaché, sincère, ironique, tranchant, calme, impérial, angoissé, moqueur, sage, excessif, percutant.
Comme un orchestre joue de différents instruments.
Dans la mélodie retorse qui est la sienne, on entend, on devine la présence d’une ligne de basse, ce qu’en musique on appelle le bourdon (« une ou plusieurs cordes ou anches qui vibrent toujours sur la même note ou forment un accord continu [2] »).
Cette note constante est proche du personnage de Brand qu’il a interprété dans la pièce du même nom d’Henrik Ibsen en 1959 : un pèlerin de l’absolu, qui sans cesse pourfend la médiocrité humaine [3], avec pour devise « Tout ou rien ».
Il a ce qu’on appelle du tempérament [4] .
Il ne craint pas non plus le vertige.
Dans The Man in the Iron Mask (1976) [5] et dans Jamaica Inn (1983) [6] il fait ses propres cascades, y compris un combat à l’épée au bord d’une falaise.
Mon père aussi était très droit, il fabriquait lui-même les boîtes où ranger ses affaires.

sommaire
ABC.PMG


[1lorsque Chris Rodley le rencontre et filme son interview en 1983.

[2le bourdon se nomme drone en anglais, ce qui est drolatique, compte tenu de la polysémie du sens actuel de ce mot (appareil de surveillance, la surveillance étant un des principaux thèmes du Prisonnier).

[3article de Fabienne Darge : "Brand", la tragédie du tout ou rien (Le Monde, mars 2005).

[4L’assistant cameraman de la série Le Prisonnier, Bob Monks, disait que PMG « avait quelque chose en lui, toujours… quelque chose qui ressemblait un volcan, prêt à entrer en éruption. Vous pensiez toujours qu’il allait y avoir une explosion » ; Peter Bowles (acteur, épisode 3, A, B et C) dit que PMG était blistering (torride, de plomb, cinglant, fulgurant, foudroyant) ; Wanda Ventham (épisode 9, Échec et mat) disait de PMG qu’il n’avait aucun plan face à la caméra, aucune attitude étudiée, aucune volonté d’être glamour ou charmant, qu’il était « droit » ; Sheila Allen (épisode 3) disait que PMG avait cette capacité de vous regarder, vraiment, quand il vous regardait il vous regardait.

[5« L’Homme au masque de fer » où il interprète le rôle du surintendant Fouquet.

[6réalisé par Lawrence Gordon Clark, avec Jane Seymour (un remake du Jamaica Inn de 1939 d’Alfred Hitchcock).

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