TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

PLACARD DE L’ATELIER

d’ici

les yeux magnifiques

samedi 25 septembre 2021, par c jeanney


Je ne sais pas ce qu’ils disaient (ils parlaient en néerlandais) les touristes, ni ce qu’ils ont pensé devant la photo quand ils ont fait silence, une photo très colorée qui montre une famille dans un bidonville du Bangladesh, une très belle famille, et cette photo est très belle aussi, parfaite concentration de lumière, contrastes bien rendus, et leurs yeux, leurs yeux sont magnifiques, mais je ne sais pas si les touristes ont pensé que leurs yeux étaient magnifiques, ni ce qu’ils pensent lorsqu’ils passent devant le magasin de la potière où jamais personne n’entre, en vitrine ses réalisations, des pots avec le lion de Némée, la Gorgone et des soleils bleus grecs, je ne sais pas s’ils ont pensé à la Grèce, à Ulysse, au Minotaure, et plus loin ils ont dû passer devant la vitrine qui donne sur des gravats et un radiateur en fonte couché sur le sol, parce que l’artisan en tissu d’ameublement qui répare et recouvre de toisons chamarrées les fauteuils Empire n’est plus là, cessation d’activités, par contre il y a des clients dans l’agence immobilière de prestige ou des écrans montrent les jardins et l’aménagement intérieur de châteaux du XVIIIe siècle qui ne sont sans doute pas payables en plusieurs fois. Entre la famille du bidonville et les habitants très discrets qui n’apparaissent pas sur la photo d’une demeure d’exception, et en suivant le nuancier des magasins abandonnés ou désertés, je ne sais pas quoi comprendre, ça doit être du néerlandais.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

Messages

  • les habitants de la demeure d’exception sont tellement conformes, attendus, descendus d"un papier glacé qu’ils sont devenus invisibles

  • (ou bien j’ai pensé que de toute façon les pauvres ont pouvait les regarder sans problème et même fouiller leur intérieur sans que ça gêne, par contre les rupins c’est autre chose, une inégalité de plus)

  • le cadrage à droite en bas de la personne en dit aussi assez long sur ce qu’on devra regarder - tous nous regardent, ou regardent l’opérateur, ce qui fait qu’ils ont cette franchise dans le regard (peut-être une espèce de mépris, derrière) direct (j’ai l’impression que le petit de droite ne fait pas attention) (et un seul sourire) affronté (cependant l’opérateur et ses outils, tout cela est tellement beau et enviable...)

  • (après on ne sait pas s’il sourit pour se protéger, rire bouclier) (toujours pareil avec les images, on sait qu’on ne sait rien en fait — coucou Jean Gabin^^)

  • Oui, on voit peu de photos de "riches" posant devant le photographe (sauf dans Paris Match), de même qu’on voit très peu d’interviews - "micro-trottoirs" - de gens huppés interrogés sur quelque sujet d’actualité : ils restent prudemment dans leur quant-à-soi ou dans leurs résidences bouclées.

    La photo est belle, la misère rend bien au soleil. :-)

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