block note - A
vendredi 20 juin 2025, par

Cette année l’abutilon fait des graines, c’est-à-dire que ses lampions perdent leurs jupes, se redressent à l’horizontale au lieu de pendre sous l’effet de la gravité, se resserrent comme des cerises, ou comme ces roses appelées pierre de ronsart avec leur globe de pétales pressés l’un contre l’autre, et durcissent. Certaines abeilles nichent dans les coquilles vides des escargots. Imaginons que nous soyons des abeilles. Où sont nos coquilles. Est-ce qu’au moins elles existent, pour nous, ces coquilles vides. Il faut faire le ménage dans nos coquilles. Certains, certaines, demandent à chatgpt des conseils pour aller mieux. La réponse est très longue, très imagée, très vaste, très teintée d’irréel, et on perd pied, c’est une vue de l’esprit, on est happé, happée, par une vue de l’esprit, on flotte, peut-être qu’on ira mieux en flottant, comme Mose dans Le Tournemire, mais l’équilibre est si fragile dit Woolf [1]. Ce matin je me pose la question : qu’est-ce que je fais de concret. Avec mes mains. Qu’est-ce que je serre comme pétales durcis, qu’est-ce que je garde encoquillé avec moi, dans tout ce fatras. Est-ce que je garde le cap, l’œil aux aguets, par exemple est-ce qu’il ne serait pas temps d’affûter mon oreille pour vite identifier les espaces sonores fabriqués en autonomie par des machines, écoutées en autonomie par d’autres machines, avec un objectif non-poétique, mais simplement avide, monnaie, finance, argent, pour s’acheter des pont-levis. Le rouge-gorge qui vient si souvent dans la cour n’a pas peur de moi, car mes mains lui donnent des vers séchés, c’est concret. Je tricote un pull en commençant par la manche, c’est concret. J’anticipe le non-concret-pas-encore-là avec application, par anxiété, ce non-concret tourne comme une musique non humaine dans des oreilles non humaines, et j’en conclue que je dois l’expulser de ma coquille. Et si on partait en feu de camp, dans un sac de couchage, avec quoi on voudrait se serrer la nuit. Ou comme enfant, sous le drap étalé sur la table et coincé par les chaises, une lampe de poche sous la fausse tente pour jouer, qu’est-ce que je voudrais garder (en faire une liste, dans l’ordre commencer par la lettre a, abeille, abutilon).

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[1] "L’équilibre entre l’externe et l’interne est, après tout, terriblement difficile à trouver. Ces deux éléments dépendent l’un de l’autre, au sein de la plus étroite relation. Si les rêves s’éloignent trop de la réalité, ils deviennent une démence qui, en littérature, est généralement une fuite de la part de l’artiste."
Messages
1. block note - A, 21 juin, 06:04, par brigitte celerier
je vote pour l’enfant sous le drap étalé sur la table et coincé par les chaises, au reste on verra bien
1. block note - A, 21 juin, 10:54, par c jeanney
moi aussi (faudra penser à la lampe de poche, et peut-être à quelques petits machins craquants à grignoter :-))
2. block note - A, 21 juin, 17:39, par PdB
Je me disais du concret oui sans doute mais par exemple là dans le village passent depuis fe matin - ils ont arrêté vers midi - des voitures pour un rallye - ça pétarade ça se déplace ils sont deux dans chaque et se parlent à travers un micro et un casque enfin : la préparation de ces engins et le boulot que représente : quoi de plus concret ? Je n’apprécie pas ce boucan ni les odeurs ni le danger relatif que ça représente c’est vrai mais eux ( plutôt des types ça ne fait pas de doute) - mais quand j’avais l’âge de sous la tente lampe poche et tout le bazar oui- ils sont restés dans cet état tu crois ? Rien ne s’est passé ou ne se passe ? Bizarre ..
1. block note - A, 23 juin, 11:30, par c jeanney
ah, et chez moi ils ont installé des fanions partout avec des petits maillots jaunes suspendus qui flottent au-dessus des têtes des passants, parce que c’est sûrement très important et primordial dans une vie de savoir que georgio pédale plus vite que roberto je pense :-))