TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

block note - abondance

jeudi 17 avril 2025, par c jeanney

Dans la science fiction, quand la terre n’est plus assez grande ou viable, on s’en va, on déménage sur une autre planète, ou bien on découvre une technique qui nous sauve, ou qui ne sauve que certains ou certaines d’entre nous. C’est la guerre de l’eau, la révolte des ouvriers à qui on coupe l’air, et ils sont plus faciles à mater s’ils ne respirent plus. Les colons lunaires amassent des ressources pour l’humanité restée sur terre, jamais assez, jamais assez, jamais assez. Comme s’il nous fallait un stock illimité de ressources supplémentaires pour plus tard. Comme les pharaons accompagnés de repas dans leur tombeau. La peur de manquer est très puissante. C’est comme si elle cachait la peur d’avoir. La peur de n’avoir que ce qu’on a. La peur de la seconde présente, tellement fugace et tellement pleine si on la regarde de front. Ou c’est la peur de ne pas avoir, le soleil de l’autre, l’eau de l’autre la nourriture de l’autre, la puissance de l’autre. J’ai travaillé avec des enfants très petits dans une ancienne vie, et dans ma mission il y avait inculquer le sens du partage. Voyez comme j’ai bien travaillé. Et toutes les filles de l’époque, car nous étions en majorité des filles, ont aussi bien travaillé que moi, naïves, obéissantes. A comme apocalypse, B comme brutalité, C comme consumérisme, aurait été un abécédaire plus précis à faire colorier aux enfants et les aurait mieux préparés. Mais dans nos missions avec eux, si petits, il y avait aussi rigoler (on l’ajoutait nous-mêmes). On devrait plus souvent ajouter des trucs nous-mêmes. Dans les textes de science fiction, il y a toujours une espèce de tyran quelque part, des raffineries, des pénuries, des pluies noires, des monstres, des meutes affamées, des luttes, des grains de sable dans la machine, des jacqueries, des contrôles et des super contrôles, rétablir l’ordre, l’ordre, l’ordre (comme martelé par l’écuyer du puy du fou). Des barricades, des murs, des problèmes de fertilité, des militaires. En fait on connait déjà ce qui est science-fictionnel, dystopique, utopique. On connait déjà la fiction, on connait déjà l’avenir, on connait déjà le ridicule de la situation : une planète rare dans l’univers, cernée d’une mince couche d’air bleu qui la protège des rayons mortels d’une étoile qui un jour se rapprochera ou explosera ou deviendra trou noir (quelle magie il y aura, quel trou de ver vers quelle autre galaxie) et les minuscules tyrans, pas plus hauts que des fourmis, qui tapent partout avec leurs bâtons, leurs fusils, leurs fusées construites sur le modèle du missile. C’est ridicule et mortel. Mortellement ridicule. J’imagine une galerie des glaces avec les portraits de nos grands conquérants, et au lieu de leur nom sur la dorure du cadre, une plaquette mortellement ridicule, prénom : mortellement, nom : ridicule, et si ça les titille un numéro, Mortellement Ridicule 1er, Mortellement Ridicule IV, ou un adjectif, Mortellement Ridicule Le Bègue, ou un nom de lieu, Mortellement Ridicule de Castille, ça me plairait beaucoup. Je profite de la seconde qui passe de front pour replanter un bleuet blanc et du trèfle à feuilles noires (en fait, plutôt d’un violet très foncé). Je fais des empreintes de couleurs et de formes. Il faut aussi que je regarde cette histoire de mails, je la repousse toujours, mais sortir de gmail me semble logique, car google commence à montrer des signes de mortelle déliquescence risible, comme par exemple supprimer de son calendrier la journée internationale des droits des femmes, google-fourmi-petit-bâton.

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Messages

  • (ça risque d’être assez compliqué entre gafam et maga pour se débarrasser de cette gale... mais il faut bien commencer par quelque chose aussi - sans compter jt’en parle même pas des "données" de "sécurité" sociale qu’on laisse partout et nos dossiers et nos maladies et nos traitements et nos assurances sur la vie/à ’la mort enfin...)) mais NT est un peu de science fiction si j’ai bien compris (ce qui fait que ça creuse un peu par là-bas) (on s’éparpille c’est vrai mais on va aussi dans tous les sens et c’est un peu normal- Blade Runner n’est pas mal (le premier, réal Ridley Scott) si tu ne l’as vu, vazy) (mais même tu vois, c’est encore Hollywood : c’est le monde libre...) (brrr)

    • Ah, Blade runner est un des films préférés de mon fils, c’est lui qui me l’a fait connaître (presque envie de le revoir du coup) (après, il y a cette citations de je ne sais plus qui, sur ne pas utiliser les outils du maître pour casser sa maison))) (Merci Piero !)

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