Je voudrais changer la bande-son de ma vidéo aujourd’hui. Mais c’est un peu comme de l’omelette, une fois les œufs, les herbes et le fromage mélangés, impossible de séparer les ingrédients. Si je change la bande-son, je change le rythme des images et peut-être l’organisation. Je ne sais pas encore quels sons je vais placer sous les images, je sais juste que la bande-son actuelle m’insupporte. Je crois savoir pourquoi : ma vidéo est faite d’images d’archive récupérées, glanées, sur des sites de conservation mémorielle qui offrent en partage ce bien commun, films amateurs. Et par une sorte de logique désarmante, ma bande-son porte en elle une sorte d’apitoiement nostalgique sur le passé. Je suis à trois millimètres du "c’était mieux avant". Il y a assez de réactionnaires comme ça, partout. Et même des réactionnaires qui semblent très modernes. Ils n’ont pas tous des images sépia à montrer, mais des idées sépia, oui. Ils modifient les couleurs apparentes pour qu’on n’imagine pas la vie moisie dessous. Le blob aussi est très moderne. Et fascinant. Ni minéral, ni animal, ni végétal. Résolvant des labyrinthes sans posséder de cerveau, se dirigeant sans œil, mangeant sans estomac, indifférent au feu, au gel, à la noyade, survivant lorsqu’on le découpe en se multipliant, donc résistant, mais détruit entièrement par une limace. Singulier, inclassable, à la fois invulnérable et si fragile, on peut le changer en métaphore en un claquement de doigts. De grands pouvoirs et un talon d’Achille. "Le blob qui voulait être dieu" pourrait être un bon titre de livre. Il y a de quoi l’admirer, de quoi en avoir peur, de quoi chercher ce que les blobs du jour portent comme failles, ou quel blob on supporte. J’ai écouté Olivier Ertzscheid hier. Il a parlé d’outils, de l’impression de puissance, et de nous, "est-ce que nous sommes à la place du conducteur ou à la place du passager", où mettre son blob ? au volant ou dans le coffre ? et l’illusion de l’endroit occupé.

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