TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

block note - chandelier

vendredi 28 mars 2025, par c jeanney

J’ai vu hier La Belle et la Bête de Cocteau avec une certaine joie devant des scènes non essentielles à la narration, comme celles avec les petits valets, le canard qui sort de sous une crinoline et les yeux des statues qui suivent les cent pas comme on regarde un match de tennis. L’obscurité est très prenante et très dense, on sent que tout ce qui est dans l’ombre est foisonnant, et pas forcément inquiétant, contrairement à l’idée attendue. Il y a aussi la question de ce qui est vivant ou pas, et celle de la croyance, il faut y croire, il faut croire au vivant, à la métamorphose qui ne révèle rien d’autre ce qui existe déjà. Croire comme fondation de tout l’échafaudage, pour qu’il tienne. Je lis que Cocteau a failli mourir pendant le tournage du film, ou à cause de lui. Problème de peau, démangeaisons, la peau à vif, et la peau couverte de poils de la bête (cinq heures de maquillage, l’acteur nourrit de compotes, de purées), il y a quelque chose d’un arrachement dessous. C’est la croyance aussi dans le décor, des draps tendus pour montrer la campagne, de la fumée pour faire croire au château, des bouts de ficelle. On croit aux bouts de ficelle. Et on ne veut pas s’arracher à cette croyance, sinon on aurait la peau en lambeaux. Tout le monde a des raisons d’y croire plus que de raison. Je cherche l’antonyme de croire, je ne trouve que le verbe douter, mais ce n’est pas celui que je voudrais, plutôt un verbe qui dise ’perdre foi’, pas la foi en un dieu mais en la magie de croire, un peu comme renoncer.

extrait d’une vidéo,
Pascale Ferran à propos de "La Belle et la Bête" de Jean Cocteau

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

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