TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

block note - colonies

lundi 13 octobre 2025, par c jeanney

j’ai ajouté sur ma todoliste : toujours avoir un marqueur noir waterproof dans mon sac (à cause d’un autocollant sur un panneau vu hier, pour recouvrir le "chez nous" de "on est chez nous" par "sur terre", mais je devrais peut-être préparer à l’avance un petit morceau de papier et du double face, je n’ai pas vraiment confiance en l’opacité d’un marqueur pour recouvrir du fachotexte par une remarque factuelle, "on est sur terre" étant la plus basique et scientifique et amicale et humaine et métaphysique et vertigineuse des constatations). Ce qui me donne envie de reprendre des tricotags, je n’en avais fait que 38, c’est fort peu, compte tenu de la laine et des doigts (dix) que j’ai à disposition. Mon dernier tricotag date de 2019, c’est bien loin, et il a disparu depuis longtemps, contrairement à d’autres, dont un au bout de ma rue qui est toujours là, mais gris, et sec, et passé, et rigide de pluie séchée, sans les rubans à messages, ’il n’y a pas d’étrangers sur la terre’, écrits eux aussi grâce à un marqueur waterproof. Le marqueur waterproof est indispensable à l’humanité. Enfin, à l’humanité consciente de faire partie de l’humanité, pas à celle qui ressemble à George Minafer (j’ai regardé La Splendeur des Ambersons hier soir), arrogant, capricieux, hautain, réactionnaire, et je vois bien qu’il y a un problème avec ce film, quarante minutes de scènes détruites, pas de final cut pour Welles, une fin heureuse collée par dessus la fin originale, comme mon bout de papier sera collé sur "chez nous". J’ai souvent pensé qu’il fallait prendre particulièrement soin de ce qui manque, ce qui n’apparaît pas, ce qui est à la marge, dédaigné, invisibilisé, mais il ne faut pas oublier ce qui est recouvert. Recouvrir, rayer ou raturer n’est pas forcément négatif. Recouvrir ou rayer le nom de vlad l’empaleur, ce n’est pas comme raturer le mot "climat" ou le mot "inégalité", ce que conseillent les bataillons de steve bannon qui s’activent à "inonder la zone de merde". Une brève de l’afp ce matin concerne les coraux. Je reformule : une brève ce matin nous concerne : "Malheureusement nous sommes désormais quasi certains que nous avons franchi un de ces points de basculement pour les récifs coralliens tropicaux d’eaux chaudes", dit Tim Lenton. "Les spécialistes pensent toutefois que, plutôt que de disparaître complètement, les coraux risquent probablement de se transformer radicalement. Cette mue se produirait graduellement avec la mort des coraux durs, ceux qui construisent les récifs qui soutiennent aujourd’hui tout l’écosystème, qui ne laisseront que des squelettes sans tissu vivants" (un peu comme mes tricotags, secs, rigides, sans messages). Dans la revue de la bnf, je découvre la photo d’une tablette portant l’écriture d’une langue perdue. C’est peut-être trop tard, on ne pourra peut-être pas savoir ce qu’elle raconte. Dans une fin heureuse, comme celle plaquée par hollywood sur les Ambersons, et si l’ambiance commercialement viable était à la Don’t look up, on déchiffrerait "prenez soin des coraux". Dans une fin à la Orson Welles ce serait sans doute plus tragique, comme "Nous avons inondé nos zones de merde et regardez, nous ne sommes plus". Qu’est-ce qui va recouvrir quoi, ça c’est une bonne question. Qu’est-ce qui est recouvert et pourquoi. Qu’est-ce qui mérite d’être recouvert. Qu’est-ce qu’on choisit de recouvrir, qu’est-ce qu’on refuse de recouvrir, sont toutes de bonnes questions à tricoter.

.

(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

Messages

  • oui pas facile de recouvrir un "chez nous"
    pour les tricotags il y en a un dans ma cour pour que l’olivier fou et maintenant mort mais toujours là soit arrimé au tuyau qui lui sert de tuteur... il est vrai qu’il est dans un état assez pitoyable mais il me plai(

  • (je ne me souviens plus bien de cette splendeur - je tente de le revoir) - je ne déteste pas Welles (Orson) - après le citoyen Kane, plus jamais ne lui fut accordé le montage final - pauvre homme (il y avait pas mal d’affairiste en lui) encore que le mythe fonctionne à plein - je l’aimais beaucoup se lavant les mains dans un égout tel Hamlet - dans la soif du mal Marlène Dietrich et Janet Leigh (une des 4 filles du docteur March) (le premier plan nous faisait tellement frémir étudiant le cinéma...) - pour les marges, je suis d’accord j’abonde je signe des deux mains - pour tout à peu près en réalité - ça va aller

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.