block note - débat
mercredi 25 décembre 2024, par
Je ne crois pas à noël, ce qui serait plus simple à vivre si je n’habitais pas là où j’habite en ce moment, par exemple si je vivais près du fleuve Ider, ou si je faisais partie du peuple movima avant 1621, car je ne crois pas avoir choisi de naître là et quand je suis née. Je ne pense pas être la seule dans le cas, mais je vois bien que d’autres n’ont pas l’idée qu’être en vie est soumis au hasard des étoiles et des temps, retailleau par exemple, qui a monopolisé toutes ses forces intérieures et toute la puissance de sa volonté pour naître deux ans avant moi à Cholet.
Je lis Au commencement était... de David Graeber et David Wengrow :
« Les opinions des Français sur les "sauvages" étaient extrêmement diverses ; celles des indigènes sur les Français l’étaient nettement moins. Ancien professeur de théologie, le père Pierre Biard fut envoyé en Nouvelle-Écosse en 1608 pour évangéliser des Indiens de langue algonquienne, les Micmacs, qui avaient vécu un temps aux abords d’un fort français. Biard ne tenait pas les Micmacs en haute estime, mais, si l’on en croit ce qu’il rapporte, c’était réciproque :
"Ils s’estiment meilleurs. Car, disent-ils, vous ne cessez de vous entrebattre et quereller l’un l’autre ; nous vivons en paix. Vous êtes envieux les uns des autres, et détractez les uns des autres ordinairement ; vous êtes larrons et trompeurs ; vous êtes convoiteux, sans libéralité et miséricorde ; quant à nous, si nous avons un morceau du pain, nous le partissons entre nous. Telles et semblables choses disent-ils communément […]."
Biard semblait particulièrement irrité de les entendre répéter que toutes ces qualités les rendaient en fait plus "riches" que les Français. Ils n’avaient peut-être pas autant de possessions matérielles, mais disposaient d’atouts autrement précieux : la quiétude, le confort et le temps.
Une vingtaine d’années plus tard, c’est le frère récollet Gabriel Sagard, envoyé en mission en Huronie, qui livrait son témoignage sur les Wendats. D’abord très critique de leur mode de vie, qu’il jugeait profondément immoral (il était persuadé que toutes les femmes wendates cherchaient à le séduire), Sagard changea d’avis vers la fin de son séjour, concluant que leur organisation sociale était supérieure sur bien des plans à celle de la France. Dans les passages qui suivent, il se fait clairement l’écho des sentiments wendats :"[…] ce qui aide encore grandement à leur santé est la concorde qu’ils ont entre eux, qu’ils n’ont point de procès, et le peu de soin qu’ils prennent pour acquérir les commodités de cette vie, pour lesquelles nous nous tourmentons tant nous autres Chrétiens, qui sommes justement et à bon droit repris de notre trop grande cupidité et insatiabilité d’en avoir, par leur vie douce, et tranquillité de leur esprit."
Tout comme les Micmacs décrits par Biard, les Wendats étaient spécialement choqués par le peu de générosité dont faisaient preuve les Français les uns envers les autres :
"[Ils] se rendent l’hospitalité réciproque, et assistent tellement l’un l’autre, qu’ils pourvoient à la nécessité d’un chacun, sans qu’il y ait aucun pauvre mendiant parmi leurs villes et villages, et trouvent fort mauvais entendant dire qu’il y avait en France grand nombre de ces nécessiteux et mendiants, et pensaient que cela fut faute de charité qui fut en nous, et nous en blâmaient grandement. Ils regardaient avec tout autant de cynisme la manière dont les Français conversaient entre eux."
Sagard avait été surpris et impressionné par l’éloquence de ses hôtes, ainsi que par leur grande maîtrise de l’argumentation rationnelle – des compétences qu’ils affûtaient à travers une pratique quasi quotidienne du débat public pour gérer les affaires communes.
À l’inverse, les Wendats, quand il leur était donné d’observer des Français en pleine discussion, retenaient surtout le fait qu’ils semblaient parler tous en même temps sans s’écouter, s’interrompant constamment pour avancer des arguments médiocres – en un mot comme en cent, ils ne leur paraissaient pas briller par leur intelligence. Pour un Wendat, monopoliser la parole et ainsi priver ses interlocuteurs des moyens de développer leurs idées était aussi grave que d’accaparer des ressources vitales en refusant de les partager. »
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Messages
1. block note - débat, 25 décembre, 19:04, par brigitte celerier
merci pour cette découverte (et je constate que les Français on gardé mêle défauts... regardant une photo reçue de la tablée du déjeuner de Noël à Grignan. avec les un peu plus de trente convives - certains sont cachés derière un visage penché ou une épaule - je me souviens de mes extinctions de voix le lendemain alors qu’il y avait deux générations de moins d’individualités voulant participer à la conversation, avec il est vrai en plus toute ma génération avec première descendance)
et retaillleau est né à Cholet ? voilà qui n’arrange pas les souvenirs que j’ai de cette ville