Vraiment, on sait qu’on ne sait rien : dans les alpes, juste avant une éclipse, les arbres se sont "mis à vibrer à l’unisson : les signaux électriques des arbres se sont alignés, synchronisés, amplifiés, des heures avant l’obscurcissement. C’est la première fois qu’une telle coordination est observée à l’échelle d’un peuplement forestier entier". Donc nous marchons, dormons, mangeons, au milieu d’items et de systèmes inconnus, sans même savoir qu’ils sont là et agissent. D’un autre côté, nous savons certaines choses, mais c’est comme si nous ne voulions pas en prendre conscience. Éradiquer est un métier. Nos mémoires sélectives nous sauvent sans doute parfois, parfois elles agissent comme des boucliers qui nous permettent de continuer à avancer sans s’effondrer, les genoux sur le sol et la tête dans les mains. Parfois nous devons masquer nos traumatismes, simplement pour pouvoir encore tenir debout. Mais est-ce que c’est une tactique viable dans la durée ? Nous pouvons vibrer à l’avance, comme les arbres, face à l’obscurcissement qui vient. Qu’est-ce que qu’on peut faire de tous ces corps tués. Ce ne sont pas des corps morts, parce que la mort, ça arrive à tout le monde (on est malade, on a vieilli, on reçoit une poutre sur la tête comme cyrano), ce sont des corps tués. Savoir à l’avance qu’ils vont l’être est impossible à vivre. Est-ce qu’on pourrait seulement vibrer.

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