Plusieurs fois ces jours-ci que je vois passer des demandes de souscription, messages, newsletters, de la part de structures littéraires, très respectables d’ailleurs, et qui insistent sur le combat présent à mener (règne de l’argent, fascisme, violences faites aux humains comme aux mots), ce qui me donne envie d’aller y voir, de lire les titres de leurs articles ou livres, publiés cette année ou prévus dans un avenir proche. Mais que des noms d’auteurs, des hommes, à une ou deux exceptions près. Sur dix auteurs, une femme, ou une femme et demi. Soit ces structures ont bien conscience de ne présenter que des créations masculines, parce que quelqu’un, quelqu’une (hé) leur en a fait la remarque et elles vont rééquilibrer la chaloupe, mais sans le dire, ça se fera naturellement, et en attendant elles se disent que l’on se focalisera d’abord sur leur combat si important (combat censé n’oublier personne), soit elles ne l’ont tout simplement pas remarqué. Oups. Le diable soit des infortunées circonstances qui menèrent à ce qui advint. Je râle, mais tout est tellement ancré si profondément. Il y a une scène de Raging bull, dans une piscine, on entend les paroles des hommes, les proches et les lointains, mais ce que dit la femme, et peu importe la distance, on ne l’entend pas. C’est très insidieux, le cadrage, la lumière. Il y a des ombres et des reliefs sur les visages des hommes, personnages en trois dimensions, alors que le visage des femmes est éclairé de face, reliefs écrasés d’images de magazine. Il y a le problème du mot sexisme, ce n’est pas le sexe qu’il faut pointer, c’est le pouvoir, on devrait appeler ça dominationisme, un synonyme de silenciation, d’écrasement, d’objectification, tous des mots compliqués, invendables sur des bols, des chaussettes avec le mot "pétasse" imprimé sous l’élastique. Ce ne sont pas des idées en l’air, l’effet se compte en statistiques mortelles. Parmi les avancées techniques promises, est-ce qu’il est prévu qu’une ia décrypte les marques de pouvoir, les isole, les dénonce, propose des stratégies pour les contrer, ou bien est-ce qu’un outil conçu par des techno-tarés (je ne finis pas ce questionnement virtuel). J’ai vu passer, je ne sais plus où, une carte qui montre que les datacenters sont construits ou seront construits au niveau de la ceinture terrestre la plus touchée par l’augmentation des températures. Il faudra toujours plus d’eau pour refroidir leurs murs de taule donc moins d’eau pour faire pousser de quoi manger et boire. Ce qui se présente est un très mauvais film, sans piscines, sans voix, sans rien du tout. Il y a trop de choses à penser question art en ce moment. Par exemple, qu’est-ce qui est esthétique. La statue de cire qu’est devenue rambo et tout l’imaginaire maga, cheveux blonds, pommettes sans rides, lèvres piquées, les carrosseries de voitures chars d’assaut sous les sunlights, conquérantes, questions de designers (designeuses, je ne crois pas, mais peut-être que je me trompe). Le contraire absolu d’une tesla est un clitoris brodé (’brode ma fille, brode’ disait Baba Yaga). Je vois passer cet ouvrage qui contient une femme + une femme malade + la maladie, ça en fait des choses minimes, ou minimisées par les sunlights, à regarder — ce beau geste (pas de petit combat), et, à mesure que je les découvre, j’aime toutes les broderies de Lia Pas.

(via le compte de Lia Pas sur mastodon)

.

(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)