Le mot stabilité est sur-employé en ce moment. Garantissant le calme. Pondération. Paix. Tranquillité. L’opposé du chaos. Viser la stabilité est affirmé comme un but à atteindre, logique, un bienfait en soi, naturellement positif, sans besoin qu’on l’explique. En face de la stabilité on dresse le n’importe quoi, le bazar. C’est un ying et un yang parfaitement dessinés. Mais il manque le complément d’objet, la stabilité de qui, de quoi. Qu’est-ce qui doit absolument être stable ? Pour une table ou un menhir c’est facile à envisager. C’est quoi la stabilité pour le vivant ? Évolution, transformation, "s’adapter à un monde qui bouge". Aux nouvelles technologies. Aux nouveaux équilibres mondiaux. À la compétition. Succès, réussites, victoires. Être à la pointe de la modernité. Injonctions contradictoires, stabilité / flexibilité. Il y a aussi l’expression trouver des compromis qui est sur-employée en ce moment. Le compromis, garant de la stabilité. Nous allons bien nous mettre d’accord. Par exemple sur les morts au travail. Un compromis entre travailler de plus en plus tôt (productivité) et mourir à quinze ans. Un compromis entre être soigné quand on est malade et patienter sur un brancard. Nous allons bien trouver un compromis entre être soigné et attendre d’être soigné. Nous allons bien trouver un compromis entre produire/polluer et les petits oiseaux disparus. Nous allons bien trouver un compromis en une compétition de ski et un glacier qui fond. Compromis et stabilité. Compromis entre quel ying et quel yang, stabilité de qui ? Parfois les mots sont des paravents placés devant un mur décrépi. Oui c’est vraiment terrible, ce manque de stabilité. Si nos civilisations avaient pu rester stables, sur la route pour aller acheter le pain, je passerais entre des piloris et des bûchers, des têtes de barbares alignées sur des piques très stables. Il y aurait la stabilité du ku klux klan et nous aurions fait des compromis autour des conditions de fabrication de leurs cagoules. Nina Simone était instable. Je pense aller acheter du pain et le dernier livre de Descola.

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