block note - hiérarchie
mercredi 7 mai 2025, par

Plusieurs choses à penser, un texte d’offrande à une amie, un autre qui parlera du chantier d’écriture, et entre les deux la manipulation de feuilles à plier, à coller, de couvertures à coudre pour le livret Kg, c’est un peu ce que je vois devant moi, une sorte de destination. Maintenant, il y a les à-cotés. Quand j’étais petite, le budget des vacances était calculé au cordeau, sur le papier quadrillé du bloc-notes de mon père qui servait à tout prévoir, tout expliquer. Les chiffres s’additionnaient clairement, sauf pour les "à-côtés", les petits plaisirs, les imprévus, le jus de poire avec une paille à siroter sur l’assise en scoubidou tressé d’une chaise dehors, et on avait chacun trois cailloux pour jouer au poker bugiardo. C’est un excellent jeu. Déjà, il n’y a pas de limite au nombre de participants. Il n’y a pas de laps de temps à respecter, on peut entrer dans la partie quand on veut ou la quitter avant la fin. Ensuite il n’y a que 5 cartes qui passent d’un joueur à l’autre. C’est-à-dire que, la majeure partie du temps, on regarde les autres jouer avec beaucoup d’attention, parce qu’on tente d’imaginer ce qu’ils pensent, ce qu’ils font ou vont faire, ce qu’ils ont fait, on se met à leur place, on interprète leurs signes, on ne pense pas à soi. Et quand arrive son tour de jouer, on doit répondre "je te crois", ou répondre "je ne te crois pas". Et si on a raison, qu’on a vu juste, on peut garder ses trois cailloux. Sinon, on en perd un. Quand on n’a plus de cailloux on part manger une glace, ou si on est frustré, avec encore l’envie de jouer, on reste pour continuer à profiter du jeu par procuration, en suivant les coulisses du jeu qui passe de mains en mains avec toujours les questions du "je te crois" ou "je ne te crois pas". La magie est dans le "est-ce que c’est vrai ?" bugiardo veut dire menteur. J’écris le souvenir de ce jeu au masculin, sans utiliser le mot "joueuses", sans doute parce qu’il y avait très peu de femmes qui y jouaient et que l’ayant intégré sur le moment, même si j’y jouais en tant que fille, j’ai continué tout ce temps à l’identifier comme un jeu d’hommes et ça court jusqu’à aujourd’hui. Ça aussi, ça fait partie des "à-côtés", c’est-à-dire ce qu’on ne prévoit pas, ou ce qui est resté et qu’on n’avait pas vu. Dans la salle d’attente, j’ai lu quelques pages de Juarroz, Poésie verticale. Je n’avais pas compris que c’est un unique titre qu’il a utilisé toute sa vie. J’ai trouvé ça tellement sensé, le titre comme une destination, et la périphérie des à-côtés qui est emmenée, emportée, prise avec soi, en traîne de bateau. On n’est pas vertical dans le vide. La verticale l’est quand on la pose près du reste, sinon c’est juste un trait, un bout de bâton sans intention. Je vais essayer d’écrire mon texte d’offrande à l’amie et mon texte de chantier sans repousser ce que j’estimerais être à-côté, parce qu’au fond qu’est-ce qu’on sait de ces histoires de centre.

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Messages
1. block note - hiérarchie, 8 mai, 11:01, par PdB
ce sont aussi les commentaires - ces à-cotés le centre de nos préoccupations d’un moment - rien d’obligé rien de fortuit - ne pas se perdre c’est tout - merci à toi
1. block note - hiérarchie, 8 mai, 17:24, par c jeanney
(ne pas se perdre et se perdre un peu aussi) (ach, ké complikatzione :)))