TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

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mardi 13 mai 2025, par c jeanney

Je pourrais prendre mon block note comme une liste de principes, de choses à faire, d’objets à examiner, de fictions portatives, c’est-à-dire de fictions qui portent pour dépasser le jour et arriver au jour suivant et de fictions qu’on porte comme des doudous ou des vêtements. Ma fiction portative du matin c’est "est-ce que j’arriverais à". Et le matin, je ne sais pas. Le matin est une table mal rangée, est-ce que j’arriverais à simplement comprendre ce qu’il y a dessus, ou est-ce ce que je vais déplacer ceci, cela, en imaginant m’emparer de ce qui est réellement là. Par exemple une photo. Est-ce qu’une photo est réellement là. Par exemple une diapositive. Par exemple une diapositive numérotée au milieu d’autres, rangées par ordre de numérotation dans une des travées de balsa faites sur mesure d’une boîte faite à la main. Cette diapositive existe, là, au milieu des autres. Elle existe et elle est fictionnelle. Elle est là et elle n’est pas encore là, pas choisie ni placée dans le dispositif d’éclairage et de scan. Pour l’instant elle est brune, on ne voit rien à travers. Mais si c’était une diapositive ça se saurait. C’est bien autre chose. C’est quelques mots dans un jardin. Des mots d’un banal fou, qui ne méritent pas d’être notés, ou qui ne peuvent pas être notés parce qu’ils passent au travers du sens, de l’importance, du notable et du singulier qui font sortir du lot. Ma diapositive ne sort pas du lot. Elle est fondue. Elle est comme la zone entre deux couleurs d’arc-en-ciel, ni ceci, ni cela, pas encore ceci car trop proche de cela mais partie pour rejoindre ceci avec la matière première de cela en bagage interne. Une fiction portative et un bagage interne font le même job. Les tables en sont remplies. Ce qu’on aimerait être et qu’on n’a pas pu, ce qu’on refuse d’être et qu’on peut encore, et la suite à l’avenant, au tâtonnement. J’ai autant de poids qu’un pétale défleuri de weigelia pris dans un fil d’araignée, qui flotte, entre un pot et un autre pot plus bas et la diapositive est comme moi, décidément sombre et malhabile. Après, c’est aussi un souvenir de ciel qui se trouve compressé dedans, un souvenir de ciels, au pluriel, qui ne sont pas archivés ni inutiles, car rien n’est vraiment archivé au sens propre, ça dépasse toujours par morceaux le matin sur la table.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

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