TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

block note - judge

mardi 28 janvier 2025, par c jeanney

Je crois que je n’arrive pas à compartimenter, au point que je n’ai pas trouvé ce mot tout de suite, compartimenter, j’ai d’abord eu l’image de cases verticales marron foncé, du bois, ou l’anthracite d’armatures en métal, et le temps d’arriver à "compartimenter" j’étais déjà dépassée, troublée par l’image en 3D alors que le mot est plat comme une notice de médicament. Je suis malade (rien de grave) et je n’arrive pas à placer la limite entre tout et tout. Tout est sous influence (comme le titre du film avec Gena Rowlands, que je voudrais revoir, une femme sous influence, des gens sous influence, le monde sous influence, etc.). Je suis en colère et je n’arrive pas à juguler ma colère à l’extérieur de ce que je fais. Je suis abasourdie de ce que je vois ou entends, et je n’arrive pas à transformer la stupéfaction silencieuse que ça produit en quelque chose, rien moins que quelque chose, je ne sais pas quoi, mais quelque chose. Et je deviens intolérante. Si je ne sens pas qu’une création est en prise avec ce qui se passe (inquiétudes multiples, stupéfactions à la chaîne), je la juge vaine, distraction, aveuglement paresseux ou coupable. J’attends des preuves. C’est idiot. Je deviens aussi rude et tranchante que ce que je supporte mal. Mais peut-être que ce n’est pas ma faute. Peut-être que je n’arrive pas à compartimenter parce que le monde compartimente mal, parce que des décisions prises (entre vieux blancs souvent) touchent le futur des autres. Non, je me trompe, ça compartimente très bien au contraire. Les causes et les conséquences sont bien séparées. Une décision ici, une signature là. Des violences ailleurs, des injustices là-bas. Par exemple, le couple cause/conséquence entre commémoration et actualité, entre loi et protection, est bien compartimenté. C’est comme être devant un tableau de boutons lumineux à activer (il y a beaucoup trop de liens dans ce block note, ou alors pas assez) et ne pas comprendre lesquels pousser, le genre d’expérience qu’en éthologie on pratique sur des primates (avec des résultats sidérants). Le plus fou dans cette histoire, cette montée accélérée des haines déjà connues comme étant déjà désastreuses, c’est à quel point les gens ont juste envie de vivre tranquillement, sereinement, en faisant au mieux. J’étais aux urgences samedi, je regardais des gens sur mon brancard, il n’y avait pas un gramme de méchanceté nulle part. Seulement du soin, de l’attention réparatrice. Et voilà que je compartimente mal à nouveau en me disant que beaucoup d’entre nous sont sur des brancards sans le savoir, sans remettre en question la logique de la conséquence prison pour la cause vitre. Je mélange tout. Ou bien tout est mélangé. J’essaye d’être lucide : est-ce que mon cerveau m’envoie des données tronquées, et que mon ignorance fait le reste, gloubiboulga basique. Ou bien est-ce que c’est en soi un fabuleux mélange ce dehors, une toile vibrante, avec un moucheron robinson crusoé persuadé d’arriver sur une terre vierge, trucidant tous ses habitants, sauf un à qui il impose le statut d’esclave, et la toile vibre longtemps et plus loin jusqu’à d’autres moucherons, mouches, et guêpes décisionnaires, chaque mythe ayant une portée et des effets, comme superman ou judge dredd (joué par sylvester s, surveillant de son œil hollywood), je continue de tout mélanger, mais il y a des liens entre certaines choses tristes qui multiplient la tristesse par je ne sais quel inconnu, trop connu cependant, et des choses beaucoup moins tristes, comme le jeune homme qui a placé mon brancard devant la fenêtre pour que j’aie "une belle vue" sans cloison.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)</

Messages

  • j’ajouterais une couche supplémentaire entre les décisions des mâles (pa que) blancs et le mal fait ce sont tous les innombrables qui voudraient avoir les mêmes moyens, qui s’en jugent aussi dignes et auxquels on jette via les médias la graine de haine pour détourner leur colère sur plus faibles qu’eux et les trop nombreux parmi eux qui suivent sans réfléchir à leur humanité et jettent leurs pulsions sur le chemin tracé (ma boite mail est pleine des récits des compagnons en lutte contre les discriminations et mesures illégales prises par les sous-fifres un peu partout, pas uniquement dans notre superbe Vaucluse brun) - s’incorporer la colère sans tenter de la compartimenter, essayer de la garder en sous face pour ne polluer ni notre regard ni notre esprit.. tentons

  • le fait est que l’emprise est (assez) planétaire - le plan du golfe du Mexique illustre bien les frocs baissés de ces firmes écœurantes -gafam et maga : même combat - au siècle dernier on avait un petit brun moustache arrogant et pervers ; aujourd’hui un gros blond peroxydé... Les temps ne changent pas trop et cette humanité-là a quelque chose de pourri - ceci dit, c’est Brigitte qui a raison : tentons. Quand même.

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