block note - noter
vendredi 16 mai 2025, par

la poste
la pharmacie
le rouge-gorge
English words are full of memories
la mer
la route du colza et la route du lin
algues qui ressemblent à des arbres mises à sécher sous une presse vieille de cent ans
et fleurs de cactus sont à noter à la mi-journée, et puis j’entends Florence Brunois, et je veux garder ce qu’elle dit, donc je le note dans le block note : "alors ça c’est une grande leçon de la vie et de la mort en fait. Je reviens un peu quand même à cette expérience existentielle, qui est fondamentale je pense, de ne plus avoir peur de mourir, et de réaliser que, effectivement, la métamorphose est un mouvement qui ponctue la vie sous toutes ses formes, et surtout celle de ses transformations. La vie chez les Kasuas, qui a été si étendue, morcelée, enfin dans mes allers-retours etc., très vite a cessé d’être une souffrance, comme si c’était la dernière fois que je les voyais, comme si c’était la dernière fois que j’avais cette image, comme si ça y est, ils allaient devenir des supers capitalistes, ils m’apprenaient que non. Ils étaient très créatifs et avec le désir de créer, et prêts à, et ils adorent cette diversité du monde et des êtres. Ils sont toujours contents quand j’amène des gens avec moi chez eux, ils découvrent. C’est comme s’ils découvraient une autre plante, un autre oiseau, avec d’autre manières, c’est incroyable. Ces populations qui vivent en forêt, en forêt tropicale, ont développé un goût de la diversité qui est absolument remarquable, et précieux. Mais pas à mettre dans des musées comme nous on l’a fait. Parce que, nous aussi, on a le culte de la diversité, mais on ne sait pas vivre avec, on ne sait plus cohabiter, et en fait on est aussi écrasé par la connaissance. Je vois au muséum d’histoire naturelle l’herbier, ils ont encore des tonnes d’herbiers à identifier, et maintenant que ça devient moléculaire, maintenant que les classifications deviennent, mais d’une profondeur, il faut absolument des ordinateurs. Mais à quoi ça nous sert, vraiment, vu l’état du monde qu’on laisse là, qu’on ait autant de connaissances. Parce que les biologistes avec qui j’ai fait les expéditions du muséum me disaient ’oui, toi tu prétends que tes autochtones ont un savoir plus aigu que le nôtre, mais est-ce qu’ils ont des noms pour tous les insectes, insectes apolacia, papillons’, et en fait, effectivement, j’avais fait aussi une collecte des insectes pendant un an, il y avait vingt insectes qui rentraient dans la même catégorie de nom. Et je dis certes, effectivement, ils n’ont pas de nom pour tous les insectes, mais en revanche ils connaissent l’écologie de chaque insecte. C’est pas parce qu’il n’y a pas de nom qu’ils ne la connaissent pas. Et donc ils en tiennent compte dans leur manière de faire etc. Donc cette absence de profondeur, enfin que nous on valorise, parce qu’effectivement nos connaissances sur le monde vivant, terrestre, extraterrestre, sont déjà d’une telle richesse, mais pourquoi. Pour faire des banques, des banques de données, des banques de graines, des banques de gènes. On n’aura pas su vivre avec, et c’est pour ça que Cosmopolitique des attachements c’est aussi pour moi une façon de décrire le savoir vivre ensemble, qu’inventaient et qu’inventent encore de nos jours, et heureusement, les sociétés qui essaient, par différentes expériences, de recréer des mondes autres, où la cohabitation serait plus sereine, même pour l’homme je pense. C’est vrai que l’image en miroir ramènerait plus de poésie, plus de légèreté, plus d’harmonie, et moi c’est pour ça que je vis avec des chevaux, des chats, plein de plantes, des poules. Parce qu’avec chaque être j’ai un comportement différent, je ne peux pas marcher de la même manière avec mes chats comme je vais marcher avec mes chevaux. C’est tellement un luxe de pouvoir s’aménager un monde, et moi j’ai une chance extraordinaire, partout, partout, ça fait vraiment un monde pluriel, mais un monde où tout, où tous les êtres, les hybrides, se mélangent et cohabitent en bonne entente et avec bienveillance surtout. Je pense que, existentiellement parlant, sans le savoir, ce sont les Kasuas qui m’ont incitée et peut-être appris, car ils m’ont partagé cette manière luxuriante de vivre avec les autres".

.
(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
Messages
1. block note - noter, 16 mai, 20:57, par brigitte celerier
je me régale de ce texte, je le savoure, et au surplus je te remercie et te maudis pour ce que j’ai trouvé dans ma niche à courrier alors que je me débats pour éliminer les livres qui envahissent l’antre et m’empêchent de relire comme l’avais décidé (sourire)
1. block note - noter, 19 mai, 09:42, par c jeanney
pardon pour t’avoir forcée à la malédiction Brigitte ! (désolée)