block note - pétri
mardi 12 novembre 2024, par
Quelle tristesse tout ces gens que je ne connais pas, c’est ce que j’ai pensé en me réveillant ce matin. Ensuite j’ai lu la chronique de Guy Benett sur l’emplacement des livres, comment y accéder. J’ai pensé que les livres de Maryse Hache n’avaient pas été disponibles largement, qu’on ne pouvait pas être des millions à se rencontrer et à échanger autour d’elle, à propos d’elle, et aussi que je ne l’avais pas connue enfant, quelle tristesse de connaître si mal ceux et celles qu’on connaît, de n’avoir que la crête de la vague, le dessus de la surface. On ne manque pas de surfaces. Cette nuit, mon père mort depuis vingt-huit ans était vivant, il mangeait dans une sorte de snack avec les employés de la bibliothèque où je venais chercher une dame qui saurait où était mon livre, mon seul livre, il y avait des portes de contreplaqué devant les étagères, impossible de le trouver, alors qu’il me fallait les papiers pliés dedans pour prendre le train. J’ai embrassé mon père et j’ai suivi la dame au milieu du couloir, elle a dit Bien sûr, je vous montre. Et C’est ici, et c’est là que ça a coupé. Ensuite, avec le café, j’ai lu Benett et j’ai pensé où sont les livres qu’on ne connaît pas, et les gens qu’on connaît si peu, look at all the lonely people, mais c’est quand même le matin. En ce moment je note parfois des extraits du Journal de Woolf pour un projet un peu étrange sur elle, qui montrerait par fragments, par bouquets aléatoires, plusieurs sources : ce qu’elle dit et ce que l’on dit d’elle, comment les phrases ne se rencontrent pas, ou comment elles se croisent, s’affrontent ou restent parallèles. Pour cette récolte, je commence par ce qu’elle dit, elle. Dimanche 18 mai 1930 : Maintenant il s’agit de vivre avec énergie et décision, éperdument. Expédier chaque journée avec autorité. Presser le mouvement. Sentir chaque jour comme une vague qui se jette contre vous. Ne pas perdre son temps et ses forces à hésiter sur ceci ou cela, mais faire avec décision ce qui se présente […]. C’en est fini des regrets et des hésitations. Voilà comment il convient de mener ma vie maintenant que j’ai quarante-huit ans : lui donner de plus en plus d’intérêt et de couleur à mesure que je vieillis. Je n’hésite pas donc, avec mes quinze ans de plus, à reprendre le momigami, papier pétri. C’est assez calme comme pratique, plier, froisser, les paumes des mains couvertes d’huile d’olive, déplier, replier, redéplier en veillant à ne pas casser ou déchirer le papier, c’est comme une sorte de cuisine sans ingrédients alimentaires, comme du pain ou de la pâte feuilletée à base d’air, de pensées, j’ajoute comme ça vient un peu de couleur à mesure que.
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Messages
1. block note - pétri, 12 novembre, 18:33, par brigitte celerier
beau le rêve (noter une évidence)
d’instinct je suppose que Virgin W note en fait les ordres qu’elle se donne dans l’espoir de les suivre