TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

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mardi 20 mai 2025, par c jeanney

Je ne sais pas comment va être la génération née avec l’ia, qui pense avec l’ia, qui se pose des questions et qui les pose naturellement à l’ia, qui lui demande des trucs, des solutions et aussi des retours, des impressions, qui s’en sert comme d’un coach, coach sportif, coach émotionnel, qui lui demande un petit coup de main pour tout, pour plus de facilité, et qui croit en l’ia, qui se repose dessus. D’après ce que j’ai compris l’ia est une organisation de données qui vise l’efficacité. Plus vite, plus ciblé, plus fiable. Mieux codé, mieux chiffré, pour servir au plus large, au plus grand nombre. Qu’est ce qu’on va faire des gens spéciaux, je ne sais pas. Peut-être les mettre dans des films, pour les regarder de loin en streaming. Je veux dire par gens spéciaux les gens qui ne croient pas en l’ia. Qui se disent et qui savent qu’une ia qui ne connaît pas la réponse l’invente, qu’elle l’hallucine. Ou bien les gens qui ne s’y retrouvent pas éthiquement. Les gens qui sont dans la méfiance, l’étude, la traque de la compréhension du phénomène ia. Est-ce que la prochaine génération d’humains née en toute confiance, toute habilité, toute capacité à intégrer l’ia dans sa vie quotidienne aura encore envie de traquer l’ia pour trouver ce qui coince, est-ce qu’elle en aura seulement l’idée. Peut être qu’il faut avoir confiance, peut être que cette génération trouvera anormal de tuer des gens avec des drones pilotés par ia. Ou anormal de tuer des gens. Ou anormal de les laisser mourir. Ou alors elle trouvera ça normal parce c’est normal, depuis la première lame taillée dans le premier silex, de tuer ou de laisser mourir, et tout a l’air d’avoir changé sauf que tout est pareil. L’ia comme un nouvel outil pour décoller la peau de la chair, comme au début. Invasions et conquêtes, comme au début. On est encore tout petit, et on joue avec une arme à feu en la prenant pour un jouet, ça arrive. Je ne nous sens pas d’équerre aujourd’hui, pas contemporain, décalé, en retard, comme si on avait soif et qu’on avait dépassé depuis longtemps l’endroit où la source coule, à force d’avoir couru devant, bien trop couru, trop voulu gagner sur la chronologie patiente. "Les choses s’accélèrent" dit quelqu’un, quand est-ce que ça a été dit la première fois, les choses s’accélèrent, sous quel pharaon, dans quel marché maya, au milieu de quel forum, sous quelle statue de quel général qui n’a plus de nom. Ou bien c’est moi qui suis dépassée, ce serait logique. J’ai maintenant l’âge de ceux que j’écoutais en pensant il est vieux il n’y connaît plus rien, faut pas faire attention. Le grand oncle qui ne croyait pas au premier pas sur la lune faisait de la bibine qu’il servait dans des verres de cantine. Je fabrique des Kg et je ne sais pas si je peux croire ce que je crois, je suis méfiante. Parfois je suis crédule, je crois en un mieux possible. Souvent je ne sais pas choisir. Ce matin, j’entends des fragments en direct de Crimes contre l’Humanité : Papon, Barbie, Touvier. Avec Laurent Joly & Gabriel Le Bomin, le moment de l’entretien où il est dit que la série documentaire a été vue par huit millions de personnes. Si je suis confiante, je crois que ces huit millions de personnes sont aguerries, alertées, qu’elles ne laisseront pas passer aujourd’hui l’inacceptable, qu’au moins elles le pointeront du doigt, qu’elles sauront. Si je suis méfiante, je crois que ces huit millions de personnes verront ce passé comme un temps révolu, derrière nous, archivé, inactif, inoffensif. Je ne crois pas au jamais plus, je ne sais pas, ce verbe croire, si imposant, c’est comme un rubik’s cube dont les morceaux grincent quand on les fait pivoter, c’est là, ça existe, et c’est une vue de l’esprit, les deux.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

Messages

  • je me demande si tout cela n’est pas simplement inexistant sauf dans nos crâne plus ou moins sains, quelque chose comme de l’onirisme puissance 20

  • cette histoire de silex m’amuse - c’est une façon de parler ou d’écrire - elle va jusqu’aux morts de tous les pays unissez-vous, l’amour et la guerre c’est ce que fait l’humanité depuis toujours j’ai l’impression, pour passer le temps ? est-ce que c’est cette alternative dont on nous dit à longueur de radio de télé de vidéo insta etc. de tout ça qu’elle n’existe pas, tu sais, TINA ? pour faire passer les gènes d’un état à un autre ? on est là à se demander pourquoi le 13 novembre le 7 octobre le 9 septembre gaza ukraine soudan indo-pakistan turko-kurdes etc etc et tant et tant Marignan 1515 et Poitiers 732 hein - tant et tant d’autres et le rézosossio qui te souhaite un bon anniversaire - on en est là et on continue à aller se voir se dire bonjour comment ça va se serrer les un.es contre les autres s’embrasser s’aimer et le silex est là, pour nous amuser...

    • (c’est David Graeber qui parle de ça je crois, du fait qu’on n’a retenu qu’une seule facette/fiction, et qu’une tout autre organisation humaine a été et est possible) (je crois que le silex c’est le symbole du pouvoir, un sceptre, et c’est bien pénible comme outil) (merci Piero !)

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