TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

block note - propres yeux

dimanche 1er décembre 2024, par c jeanney

J’ai fini de lire le livre de Mona Chollet sur la culpabilité. J’ai commencé à lire le livre d’Hélène Giannecchini, Voir de ses propres yeux, qui se centre sur la mort, je n’en suis qu’au début. Les lire à la suite l’un de l’autre me fait mettre le doigt sur un sentiment diffus, que j’ai autant de mal à exprimer qu’à expliquer. C’est arrivé avec le second, autour de la page 35. Je suis totalement en phase avec ce que je lis, perturbée comme j’aime être perturbée, par quelque chose de très beau, de très fort, et puisque ça parle de l’intérieur du corps, de l’ordre des entrailles, du central, de la grande énigme du dedans. Mais le texte me renvoie à une certaine solitude. Je ne peux pas en arriver là, là où elle est, en tout cas pas armée de la même façon. Je n’ai pas ressenti cette solitude avec En finir avec la culpabilité, et ça ne tient ni au sujet, ni à la forme littéraire en elle-même, à ce qu’on appelle la qualité du texte, ou à son genre, roman ou essai. J’aimerais bien que Mona Chollet s’attaque maintenant au thème de la confiance. La confiance en soi. (pas celle des managers, développement personnel, du bien-être apporté au travail d’empoisonner à terme l’air, le sol et l’espace, mais) La confiance première, interne, aussi interne que les os. Comment est-elle venue quand elle est là. Qui la fait se répandre, jusqu’à ce qu’on ne la voit plus, qu’elle soit un fluide baignant tous les organes et les neurones, et chaque nouveau raisonnement, chaque nouvelle émotion. Elle se voit aussi dans la rue, j’ai le même sentiment envers des gens que je croise. Je sens, sans savoir l’exprimer ni l’expliquer, quand quelqu’un se déplace en la possédant. Quand quelqu’un marche sur le trottoir en maître, en toute confiance en sa maîtrise, à sa façon de tourner la tête, de remonter son écharpe, de placer ses doigts sur son sac, de jeter un œil. Je pense que si je croisais Mona Chollet dans la rue, elle n’aurait pas ce genre de mouvements. Je ne crois pas qu’elle n’ait pas confiance. Je crois qu’elle y travaille et qu’elle a travaillé à l’obtenir. Qu’elle enquête, et qu’en chemin elle doit s’armer de confiance pour continuer à creuser. Et je crois que dans Voir de ses propres yeux, qui est aussi une forme d’enquête, la confiance est là, à l’origine, qu’elle existait à la première lettre tracée sur une ardoise dans l’enfance. Je me trompe peut-être totalement, mais c’est ce que je ressens. Ça a peut-être quelque chose à voir avec l’assurance d’être en pays stable, propice à soi, dès l’origine, quand la confiance n’est pas à attraper avec vigueur, avec ténacité, avec faim, mais qu’elle est à disposition, aussi naturelle que le lieu où on naît, les bruits autour, le pyjama qu’on porte. Après, en grandissant, elle se colle au squelette. Si par hasard, elle n’est pas là au début, s’il faut grandir en allant la récupérer, sans vraiment savoir où, empiriquement, peut-être qu’il faut répéter ce geste, la récupérer pour construire, et la récupérer encore pour reconstruire. C’est très difficile à expliquer ce sentiment, d’être devant quelqu’un né en confiance et l’autre sans, parce qu’au final, quand la construction est finie, et qu’elle est belle, livre, film, texte, sculpture, tableau, musique, ce qui la fonde n’apparaît pas toujours, encore moins quand c’est une fondation fragile, poreuse, instable, parce que le travail passé à la solidifier ne se revendique pas ouvertement, peut-être qu’il faut l’avoir expérimenté en soi pour le reconnaître.

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