J’ai pensé : les futurs historiens et historiennes vont s’arracher les cheveux en travaillant sur la période actuelle, si dense, avec tant d’évènements à mettre en corrélation, et puis j’ai pensé que j’étais diablement autocentrée, les historiens et historiennes s’arrachent déjà les cheveux sur les périodes précédentes dont aucune n’a été calme ou tranquille. Peut-être que c’est le nombre de sources à interroger qui a augmenté. Mais peut-être que le nombre de sources qui disparaissent est tout autant un problème, avec le nombre de non-sources qui sont des messages automatiques robotisés. Dans l’épisode de Columbo que j’ai vu hier (comme on enfile des pantoufles confortables) le robot était pourvu de bras à pinces et d’un chapeau a ailettes qui tournaient quand il était au travail. On le programmait en y entrant une cassette comme on met une tartine dans un grille-pain. Il montrait des émotions de dépit, et renversait le jeu d’échecs quand il perdait, ce qui le rendait "plus humain" selon les scénaristes. Ses pinces lui permettaient d’écrire sur un clavier d’ordinateur, et même si on voyait bien qu’elles écrasaient maladroitement deux touches à la fois on y croyait. Quelque chose en nous reste frais et naïf. On ne voit pas forcément le mal partout, même si on pense que pour être humain il faut être mauvais joueur. Je lis des prophètes qui ont un avis charpenté sur tout. Le prophète donne des conseils quand il est bonhomme, des ordres quand il est sans fard. Je vois des gens, que ne mésestime pas, relayer, adhérer aux discours des prophètes. On a sûrement besoin d’un père pour indiquer le chemin. Le pire prophète est celui qui nous engueule ("c’est de votre faute tout ce qui arrive, rendez-vous compte que si tout le monde était comme moi tout irait tellement mieux"). Le prophète n’aime pas la biodiversité. Il imagine que tout le monde a le même vécu que lui, les mêmes facilités, les mêmes raisonnements, la même logique supralogique et imparable. C’est une négation de l’humain aussi forte que celle d’en face (point godwin) même si elle semble plus douce et fait moins de morts. Les prophètes n’aident pas. L’énergie dépensée à les ignorer est elle-même du gaspillage. C’est ce que je pense. Ce que je pense est lié à moi, mon expérience, âge, milieu, et c’est toujours bizarre de rencontrer quelqu’un qui pense comme soi, mais en faire un aboutissement, vouloir convaincre autrui de penser comme soi est aussi de l’autoritarisme. Le prophète dit très autoritairement qu’il se méfie de toute forme d’autorité (ça pourrait être drôle). Je marche le matin. Ma ville est très petite, très calme, très tranquille, très commerçante, très soucieuse de donner une bonne image d’elle-même aux touristes, très conservatrice, mais il doit y avoir deux ou trois jeunes qui habitent ici et qui viennent écrire sur les poubelles, je les aime bien.

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