block note - rive
lundi 28 juillet 2025, par

Donc j’ai maintenant fini mon premier prototype du livre-Vagues : 28 livrets (on appelle ça aussi des signatures, j’ai plus de vocabulaire aujourd’hui qu’hier) cousus l’un à l’autre, ce qui a formé un dos, et sur celui-ci deux lignes en sortes de points de chaînette en haut en bas, et au milieu le fil serré tenant les pages, puis, à cause de la peur que tout se défasse (fil cassé ou papier déchiré), encollage du dos, serré et mis sous presse, et fabrication d’une couverture à dos carré pour tenir le tout bien raide. J’aboutis à un objet extrêmement pratique pour décider de tout ce dont je ne veux pas. Par exemple le dos de ma couverture est trop large par rapport au dos des pages cousues-collées, ce qui crée une sorte de v qui n’a rien à faire là. Le papier plus épais que j’ai choisi pour faire les pages de garde est trop raide. Et le papier que j’ai utilisé pour recouvrir les morceaux de carton de la couverture, s’il avait l’avantage d’être assez grand, est trop fragile aux tranches. Et mon décor de ce papier de couverture, même si le faire m’a réjouie (parce qu’avec la fabrication de ces livrets, ou du livret Kg, mon bureau restait propre, là j’ai pu le salir à nouveau) ne me va pas. En regardant le résultat, j’ai l’impression de voir un album, un album photo, et je ne serais pas étonnée d’ouvrir la première page sur un faire-part de naissance ou des jeunes mariés. J’essaye de me poser les bonnes questions : qu’est-ce qui m’a plu ? qu’est-ce qui me plaît ? J’ai rêvé cette nuit d’une tige pleine de fleurs de passiflore extraordinaires que j’aimais, mais elles s’étaient toutes ouvertes face au mur et je n’en voyais que le dos, quelle malchance. On veut voir quelque chose et non, c’est inaccessible. C’est ce qui se passe avec mon livre-Vagues. Je veux le voir, mais il n’est pas là. Parce que j’ai été obnubilée par le but, qui était la solidité. Un livre est un assemblage technique compliqué, avec tant de paramètres à prendre en compte, comme l’épaisseur du papier, le format, l’assemblage, ou la facilité à se procurer le matériel. Je ne veux faire qu’avec les moyens du bord, par principe. Je ne veux pas commander en ligne un kit qui me faciliterait la tâche. Par exemple, pour le fil de reliure, ça me plaît d’utiliser un fil assez solide que je rends ciré moi-même en le faisant glisser contre le corps d’une bougie d’un geste sec, ziip, ziip, au lieu d’acheter un fil déjà ciré. J’aime bien les trucs, le bricolage, le "faire avec". J’aime bien les "à-peu-près", comme le fait que mes pages ne soient pas massicotées. Non seulement, je n’ai pas de massicot, je n’ai pas l’envie d’en avoir un, mais surtout je n’aime pas spécialement ce côté aligné très propre, comme si les pages sortaient d’usine, alors que non. Les légers décalages entre chaque livret, c’est vivant (donc je garde). Ce que je ne peux pas voir avec ce premier prototype, comme pour les fleurs de passiflore ouvertes face au mur, c’est l’idée que je me fais du livre. Prise dans les problèmes matériels à résoudre, j’ai oublié le plaisir. Qu’est qui me fait le plus plaisir : coudre les pages entre elles. Qu’est-ce que j’ai le moins aimé, fabriquer cette couverture à dos carré, qui m’a rappelé la façon dont je recouvrais les manuels scolaires à la rentrée (je détestais). Donc, exit cette sorte de couverture. Je cherche d’autres possibilités en ligne (couverture pour reliure copte ou reliure japonaise, et des tas de gens me montrent leurs variations, leurs façons de passer tel ou tel obstacle, et pour le même obstacle cinq ou six façons de sauter par-dessus) (ils sont fûtés, les gens). Par exemple je vois une "reliure belge", très belle, mais qui risque d’être un peu brinquebalante pour moi (j’ai trop de livrets à assembler). Puis je tombe sur un monsieur au nom italien avec un béret du plus bel effet, qui m’enchante avec la reliure "française". C’est assez drôle, parce qu’habitant visiblement les usa (il a une tête à vivre à manhattan), il a l’air de croire à l’existence de cette reliure française, et peut-être qu’il pense réellement qu’en france tout le monde la connaît, tout comme moi je pense que tout le monde au japon connaît la reliure japonaise, on vit quand même avec de remarquables présupposés. Son procédé a l’avantage de mettre pages et couverture dans le même sac, d’un seul tenant, tous traités à égalité. J’ai aussi eu cette nuit des idées d’empreintes inversées pour le titre, et pourquoi pas une mise en page plus serrée, puisque le nombre de livrets (ou signatures) ajoute à la précarité du système, je vais faire en sorte d’en avoir moins. Je vais ranger mon prototype du livre-Vagues quelque part, tout comme j’ai posé mon premier essai de livret Kg je ne sais où, mais quand je tombe dessus, pour lui aussi, je me dis "non, franchement non, tu es bien gentil mais tu es le patron d’un vêtement qu’on ne peut pas porter".

.
(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
Messages
1. block note - rive , 28 juillet, 19:14, par brigitte celerier
moi par principe je suis certaine que c’est très bien (mais la couverture des livres de classe m’a fait sourire... jamais réussi moi, le résultat était baroque) mais je me plais à rêver avec toi en te lisant à la tige pleine de fleurs de passiflore
1. block note - rive , 29 juillet, 08:02, par c jeanney
(si ça se trouve, si on s’y met à deux, les fleurs vont se retourner vers nous :-)) (souhait onirique)
2. block note - rive , 29 juillet, 08:07, par PdB
(j’étais persuadé d’avoir mis un commentaire -parce que j’ai taxé la couverture magnifique de l’ouvrage (unique) qui ne l’est pas moins) j’y parlais d’aficionado, ça s’est perdu dans les limbes - mais en sont-ce bien ? je ne suis pas certain - peu importe : il disait (le message) aussi bravo bravo bravissimo !!