block note - rouge
lundi 24 février 2025, par
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Parce que j’ai regardé hier autant en emporte le vent que je n’avais jamais vu, je cherche à en comprendre plus ce matin sur la guerre de sécession. Évidemment il y a la question de l’esclavage dans le film, et par exemple la scène de la sieste des jeunes filles de bonne famille. Des froufrous, des rubans, elles ont enlevé leurs crinolines et elles sont allongées, toutes roses et jeunes. Une petite fille noire qui doit avoir dix ans les évente avec des sortes de plumes de paon. En fait, c’est toujours la même chose, ce qui est vu sans être vu me sidère. Ce qui est visible et interprété comme invisible, ça m’étonne à chaque fois. Le fait que cette petite fille de dix ans qui lève et baisse les plumes de paon ne soit pas une petite fille, mais un bras, un décor, une fonction, pour des millions et des millions d’yeux correctement connectés à leur cortex visuel, c’est quelque chose. J’ai aussi été très frappée par la césure, c’est un film (livre) qui s’adresse à une moitié de pays et vomit l’autre. Ceux du nord sont des vandales, bêtes sauvages, violeurs, voleurs, profiteurs, des vautours. Je lis que la source de cette guerre est aussi constitutionnelle, reliée aux limites de l’état fédéral qui est actuellement en train d’être rogné, rongé, coups de haché. C’est la même césure qui serait restée, peut-être. Comme en france, l’extrême droite et l’indépendance de l’algérie non digérée. Une guerre continue son travail sismique et lézarde bien après les traités de paix. Est-ce c’est comme pour les névroses familiales qui se transmettent de parents à enfants : j’avais entendu dire qu’une névrose ne pouvait pas durer plus de trois générations, qu’elle s’éteignait forcément, sinon toute la population mondiale serait névrosée (ou bien c’est le cas ? ce qui expliquerait l’existence de la corrida, et pourquoi personne ne tique en voyant le mot "porsche" [1] dans l’espace public. La puissance du récit, c’est terrible. Une scène de viol et la glorification de l’esclavagisme sont repeints romantiques avec ce film et ce livre, gone with the wind, et ca n’est pas très gone with the wind, pas très éparpillé aux quatre vents, c’est plutôt encore là, comme le nom de ferdinand p. Je me suis dit qu’une fiction comme gone with the wind réconforte les leaders armés de tronçonneuses. Puis par hasard je tombe sur cet article qui parle des jardins numériques. Il y a un lien vers un site-jardin, et des ballerines rouges qui raconteraient selon moi, au contraire, le magicien d’oz [2]. Ce qui n’a l’air de rien, mais me fait penser que rien n’est totalement perdu, dans un sens ou dans l’autre. Il n’y a pas de malédiction, juste des fabrications, des intentions, des attentions, et des routes de briques jaunes [3].
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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
[1] "À partir de 1937 Ferdinand Porsche intègre le parti nazi allemand, en tant que Wehrwirtschaftsführer [...] nommé coordinateur de l’effort de guerre industriel du Troisième Reich, pour qui il conçoit et fabrique à grande échelle du matériel de guerre [...], voitures, camions, chars, moteurs d’avions, armement, munitions, [...] missiles. [...] Il exploite massivement la main-d’œuvre des travailleurs déportés pour le complexe militaro-industriel allemand (notamment par le biais du Service du travail obligatoire." (c’est-à-dire qu’on ne peut pas dénombrer les morts dont il est responsable, et pourtant le mot "porsche" reste affiché, visible, et pire, synonyme de luxe)
[2] "Lors de sa publication en 1900, Le Magicien d’Oz a reçu un accueil critique positif. [...] Toutefois, le roman sera plus tard accusé de véhiculer des idéaux malsains et impies et en 1928, les bibliothèques publiques américaines censurent le livre sous prétexte qu’il « dépeint des personnages de femmes fortes dans des rôles de leader »"
Messages
1. block note - rouge, 24 février, 20:00, par brigitte celerier
oui cette sentimentalité sur le Sud comme ils disent (mais toujours des marques fortes dans ces étars.. et ce n’est pas plus mal que ce livre existe pour témoigner du regard des jeunes filles, dures aussi au moins l’héroïne y compris avec elle quand besoin s’en fait sentir... sentimentalité qui est pire que le regard qui invisibilise parce que ces jeunes filles comme, toute proportion gardée, celles qui comme ma famiglia ont grandi dans des maisons où il y avait servantes fidèles, même si pas "à demeure", s’offrent d’avoir regard aimant sur la petite fille, aimant mais sans le sentir surplombant parce que c’est comme ça...) - quant aux couches qui sont étrangères entre elles en France cela ne date pas de la guerre d’Algérie... c’est comme ça, et les classesdominantes actueles sont presque pires (quoique... si tu lisais les metrre qie ma grand mère envoyait à sa mère depuis l’Indochine en 1936 inquète pour elle en France - sourire de travers)
2. block note - rouge, 24 février, 20:04, par brigitte celerier
oh zut j’ai mal relu la fin (alors que ton blog est gentil en le proposant)
alors "classes dominantes actuelles" et "les lettres de ma grand-mère".. peut être d’autres ...
3. block note - rouge, 24 février, 21:27, par Nicolas
Vous avez raison "Une guerre continue son travail sismique et lézarde bien après les traités de paix.” La preuve ? la France n’a remis à l’Algérie les cartes indiquant l’emplacement des millions de mines disséminées pendant la guerre tout au long de ses frontières qu’en 2007. En attendant, des milliers de personnes sont mortes ou blessées en marchant dessus.
La guerre d’Algérie, appelée en Algérie la guerre de libération nationale, n’a en effet jamais été digérée, ici en France. Et pour cause, l’armée française “tenait” le terrain mais elle a perdu politiquement et cela elle ne l’a jamais supporté. Cette guerre continue dans de nombreuses têtes notamment celle de certains "responsables politiques”, ministres ou autres, qui refusent la soit disant “repentance” (ce que n’a jamais demandé l’Algérie) et accusent quiconque dénonce l’idéologie coloniale de “wokisme” ou d’”islamo-gauchisme”. Ces mêmes responsables, ou en tout cas leurs semblables, ont osé faire voter une loi, "loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés visant principalement à rendre hommage « aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France » dans ses anciennes colonies.” Loi finalement abrogée en 2006 suite au tollé qu’elle a suscité !
Concernant votre question concernant l’impact psychologique d’une guerre, une psychologue colombienne avec qui j’avais discuté à l’occasion d’un colloque sur le processus de paix entre les FARC et le gouvernement colombien, m’a dit que les recherches menées sur le sujet montraient qu’une guerre pouvait avoir un impact sur 6 générations. Si on fait le calcul cela donne 190 ans. Ça donne froid dans le dos, non ?
Quant à la névrose, elle nous touche toutes tous autant que nous sommes ;) Ce qui est anormal c’est que les dominants et leurs affidés soient aussi pathologiquement égoïstes et cyniques.
Mais votre texte montre qu’il vaut mieux être dans la névrose de la révolte et de la non acceptation de “cela qui est” plutôt que dans l’aveuglement coupable. :) Merci en tout cas !