TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

block note - sens

jeudi 4 septembre 2025, par c jeanney

Un jour j’écrirai sur l’écho et sur la sensation que ça fait de sentir son corps résonner comme en dehors de soi sous un préau ou une coupole quand on tape du pied ou qu’on lance sa voix. J’ai connu un kiosque aussi, dans un jardin public, qui sonnait creux sur une dizaine de centimètres seulement, le but était de repérer où, exactement, en s’aidant du gris du ciment, taché comme une carte de géographie nouvelle, avec impacts, marques de chewing-gum et de peinture, et peut-être qu’il y avait une corrélation entre une marque et un son, un son et une émotion, c’était ce qu’il fallait trouver, le mystérieux, le signe qu’on pense visible uniquement pour soi mais qui s’étale du son au sens vers du plus loin. J’écrirai sur la peur du chaos un jour. Je ferai la liste, je tiendrai le catalogue de choses affirmées par peur du chaos, toutes ces paroles dites "de bon sens". Et j’écrirai aussi sur le chaos habituel qui ne fait pas peur, qui devient un épiphénomène, une normalité déplaisante mais quoi-faire-on-n-y-peut-rien, comme passer à côté du corps de quelqu’un qui dort dehors, et par lui, par l’intermédiaire de son corps à lui, dans son écho qui reste sans son, comme en suspens, passer à côté de x enfants naissant vivant mourant dehors au pied des vitrines ikea. Quel écho, où est l’écho et où sont les échos, j’écrirai sur ça un jour et aussi sur ce qui est méprisé, la hiérarchie, et au final on n’est à sa place nulle part parce qu’il y a une hiérarchie dans la hiérarchie qui fait qu’on reste en inadéquation, dans la faim de prouver qu’on est plus haut, ça se déplie comme des lames d’éventail, il faut toujours monter plus haut, jusqu’à acheter des bagues qui valent autant qu’une maison où dormir, ça fait quoi de porter à son doigt le prix d’une maison où dormir, et pourquoi ça ne rassasie pas, c’est aussi le problème de l’écho quand il devient tellement vorace, tellement sonore, c’est lui qui gagne, il devient drogue, divinité, on se demande comment le nourrir et on ne cherche que lui. On veut l’écho. On veut entendre l’impact de notre écho. Même à un tout petit niveau. C’est sûrement normal, sûrement humain, sûrement inévitable. Et les échos qu’on n’a pas eu suintent d’amertume pour les gens les plus secs, de peine pour les plus tendres. Je voudrais l’écrire à des fins curatives, pour n’être ni peinée ni amère. C’est sûrement illusoire, comme si écrire donnait des dons d’extraction, de libération ou d’invincibilité, alors que c’est plutôt tripoter ses menottes.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

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