TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

block note - shine on your shoes

lundi 29 décembre 2025, par c jeanney

Hier, vu le Tous en scène de Minelli (qui s’appelle normalement The Band Wagon, je comprends qu’il y a d’autres band wagons, le Band Wagon original étant le titre du spectacle donné par Fred Astaire et sa sœur Adele trente ans avant le film, un band wagon dont je n’ai pas retrouvé l’argument, sûrement différent du band wagon de 1953 avec Cyd Charisse, très diffèrent du band wagon film d’animation animalier) (dans un band wagon il y a l’idée de la tournée de la troupe, ses numéros, train musical, comme celui où Marylin depuis sa couchette dit bonne nuit à Jack Lemon dans Certains l’aiment chaud). C’était si confortable pour moi de regarder ce film, avec son rythme, un temps un peu lent, de disponibilité, en attente d’un numéro, et dès que la musique commence on la reconnaît, c’est l’accélération. J’attends l’ouverture de la boîte mystère, et les triplés. La boîte mystère parce que je suppose qu’elle a demandé beaucoup d’énergie et d’implication pour sa fabrication, et une belle complication de détails pour quelques secondes seulement à l’écran, puisque la caméra met le focus sur Fred Astaire. Et les triplés parce que c’est si plaisant de voir la scène deux-en-une, le numéro lui-même, les mimiques, les visages, la tonicité, et les trucs et astuces du numéro, c’est-à-dire de l’observer en conservant en tête l’idée de chaussures factices collées sur les genoux. Je me demande pourquoi je suis si bien devant ce film, avec cet effet feelgood, douceur de nostalgie, la nostalgie d’entrevoir un monde disparu, censément plus calme, plus accueillant, un golden age (comme dirait l’autre qui met du golden partout, golden arch avec ailes déployées, golden fleet copiée sur les jouets action man). C’est très bizarre, parce que ce n’est pas ma génération. Je suis née dix ans après la sortie du film et je ne l’ai jamais vu enfant, d’ailleurs je n’ai pas vu de comédie musicale (genre que j’adore) enfant. Alors, est-ce que c’est une nostalgie reçue qui ne serait pas la mienne mais celle de mes parents ? Ma mère n’a jamais regardé aucun film. C’est-à-dire qu’elle a pu être posée devant, mais pas au point de les regarder, elle feuillette le magazine télé, de temps en temps elle lève la tête pour demander C’est qui ? Mon père n’a jamais montré de goût pour les numéros de danse et autre saltimbanqueries. Peut-être la Piste aux étoiles et les frères Bario qui jouaient des airs de casseroles et klaxon, mais pas plus. Il aimait l’ordre, des tartines d’ordre, avec de l’ordre dessous et par-dessus. Alors d’où me vient cette nostalgie des films musicaux étazuniens ? avoir la nostalgie de ce qui n’a pas été est mystérieux. J’écoute Pierre Bayard parler de la fiction aux idées larges. Le nombre d’inventions qui traversent un être humain, le font parler, chanter, le font se lever, danser, est inimaginable. C’est peut-être ça qui dépasse de partout dans des films comme Tous en scène. Et puis il y a tant de strates. Les images vraies, d’avant ia, elles ont gardé un goût de vrai, malgré le déformé, le pourtant fabriqué de laisser les claquettes du cireur de chaussures hors champ. Et le pouvoir des corps. Nanette Fabray est parfaite, mais le corps de Cyd Charisse l’éclipse. Fred Astaire n’est pas beau, mais il est captivant. Les corps sont attractifs en dehors de qui sont les gens (la beauté de bardot a masqué le rance de ses pensées, le blabla de séparer l’humain de l’artiste, etc.). Ma fiction nostalgique, que je choisis de ressentir au fond, sans me l’avouer, est aussi puissante que d’autres, et sûrement aveugle et cruelle aussi, il chante When there’s a shine on your shoes, There’s a melody in your heart, What a wonderful way to start the day, mais qui met des éclats de lumière sur les chaussures de qui ? le wonderful way to start the day écrase tout ce qui pourrait l’invalider. (Pendant ce temps, Claude, questionné sur les voies de résistance à un état totalitaire, répond qu’il n’est pas équipé, construit, pour résister, et qu’en cela il n’est pas humain. Il le dit, tout en s’exprimant comme l’humain qu’il n’est pas. Wonderful days.)

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

Messages

  • amour partagé (et ce ne sont as des souvenirs d’enfant... mais d’adulte toute cotente quand par hasard l’un ou l’autre re-sortait, et puis si il y a eu les plus récents, vus au cinéma bien entendu, ded Astaire, pas de télévision jusqu’à ce que l’ordi joue son rôle... alors à leur sortie "danser sous la pluie", Gigi qui n’est pas un vrai film musical...
    pour le regard à la télévision ta mère me fait penser à ma soeur de Grignan qui suit des émissions ou du moins les choisit et puis s’installe avec les sacs, bonnets ou écharpes qu’elle tricote pour la trentaine de cadeaux à faire et en même temps suit les traces de sa descendance sur son tééphone ... ça me donnnait une utilité, en faisant des mots croisés je suivais un peu davantage pour pouvoir la renseigner.
    Merci pour le charme une fois encore de ton texte (du coup ça déclanche chez moi une loghorrée)

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