TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

block note - vrai

mercredi 4 juin 2025, par c jeanney

De plus en plus souvent je m’arrête pour me demander à moi-même ce que j’ai vraiment envie de faire. Je l’ai très peu fait au cours de ma vie. Parfois on se dit qu’on doit juste "assurer", et sur le moment j’ai pensé que je le faisais. Je me suis donné pas mal de buts et d’injonctions, comme un petit cheval qui veut des brides et des grelots, et des pampilles et encore plus, parce qu’il pense que sans son costume de cirque il n’est pas un bon petit cheval. Depuis peu (ma technique est simpliste), je m’arrête (au milieu du tout venant, de ce que j’ai toujours fait, de ce que je dois toujours faire, de ce que je devrais toujours faire) et je me demande, pratiquement à voix haute, en tout cas à voix formulée clairement dans ma tête : alors ? maintenant, au fond, sérieusement, qu’est-ce que tu voudrais vraiment faire ? Après, c’est comme soupeser un melon, je passe la chose d’une main à l’autre, ce réellement, ce tout au fond sans brides et sans grelots, est-ce que je peux ? Et parfois je me réponds non, le vraiment, le tout au fond n’est pas possible. Mais c’est très différent de s’obliger à faire l’obligatoire quand on a ouvert un velux dans sa tête. Simplement l’idée du ’faire autrement’, du pourquoi pas, donne un peu l’impression de ne pas être dupe, de soi, de son environnement, de son histoire, de ses acceptations et de la qualité des menottes. J’ai une chance hallucinante de pouvoir me poser cette question. Ce devrait être une question raisonnable, accessible, une question largement admise, une question offerte à qui n’a pas l’espace de l’attraper. Le pourcentage d’êtres vivants qui ne peut pas se la poser est explosif. Dans six cents ans, quand on aura trouvé comment s’organiser sans nuire à qui et quoi que ce soit, ça sera une question normale peut-être, un bien commun, comme un toit et manger et dormir et les soins de toutes sortes de plaies physiques et affectives. Ce matin, parce que j’en ai la chance, je me pose la question et je me réponds que j’ai réellement envie de voir le présent avec Woolf, de comprendre ce qu’elle m’explique d’ici et de maintenant, parce qu’elle a beaucoup rit, beaucoup sondé, beaucoup tremblé, beaucoup pensé à ce qu’est vivre, et qu’elle s’est bien battue.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

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